Thème: Économie
Publié le 7 septembre 2023
La prise en compte de différents indicateurs est nécessaire afin de déterminer l’incidence de la pauvreté. Ce texte mobilise trois mesures de faible revenu afin de dresser un portrait de la pauvreté au Québec et de son évolution au cours des 20 dernières années.
Des mesures complémentaires
Les mesures absolues de faible revenu, telles que la mesure du panier de consommation (MPC) et la mesure de revenu viable (MRV), permettent d’établir le revenu jugé nécessaire pour se procurer un panier de biens et services défini. Elles varient généralement en fonction de la taille du ménage et de sa situation géographique. Les mesures relatives, quant à elles, permettent de comparer la situation d’une personne ou d’un groupe de personnes à celle de l’ensemble de la distribution de revenu. Le seuil de la mesure de faible revenu (MFR), par exemple, correspond à la moitié du revenu disponible médian d’une population cible. Il est ensuite possible de comparer la situation d’une personne par rapport à ce seuil.
En mobilisant ces trois mesures, il est possible de dresser un portrait de la pauvreté à un moment donné. Par exemple, un coup d’œil à la MPC permet d’affirmer qu’en 2019 – tout juste avant la pandémie de COVID-19 – 8,9 % des personnes vivant au Québec n’avaient pas un revenu suffisant pour se procurer les biens et services leur permettant de couvrir leurs besoins de base (c.-à-d. se nourrir, se vêtir, se loger, se transporter et autres besoins associés à un niveau de vie modeste). En s’intéressant à la MRV, on constate que près du double, soit 17,7 %, n’avaient pas un revenu leur permettant de sortir de la précarité – c’est-à-dire de couvrir leurs besoins de base mais également de cumuler un coussin financier pour parer aux imprévus.
En examinant la MFR, on observe que 10,6 % de la population au Québec avait un revenu inférieur à la moitié du revenu médian après impôts et transferts gouvernementaux en 2019. Ce revenu médian était de 46 173$ pour une personne seule et de 92 346$ pour une famille de référence de deux adultes et deux enfants.
Tableau 1. Description, seuils et taux de faible revenu selon les principales mesures de pauvreté, Québec, 2019
Note: Les seuils de la MPC et de la MRV correspondent à une personne ou une famille vivant à Montréal. Les seuils de la MFR correspondent à une personne ou une famille vivant au Québec. Les seuils sont en dollars courants de 2019.
Sources: Institut de la statistique du Québec, Seuils du faible revenu selon la MPC. Institut de la statistique du Québec, Seuils du faible revenu selon la MFR. Institut de recherche et d’information socio-économique, Le revenu viable 2022 en période de crises multiples. Statistique Canada, Tableau 11-10-0136-01.
Évolution de la pauvreté au Québec
Le suivi de ces indicateurs à travers le temps permet de brosser un portrait de l’évolution de la pauvreté au Québec au cours des 20 dernières années. Alors que la MFR est présentée pour l’ensemble de la période, la MRV n’est présentée que de 2016 à 2019 pour des raisons de disponibilité des données. Pour suivre la MPC durant l’ensemble de la période, il faut examiner trois versions de l’indicateur. En effet, la composition du panier de la MPC est révisée régulièrement par Statistique Canada afin de tenir compte de l’évolution des habitudes de consommation des ménages
Figure 1. Taux de faible revenu selon différentes mesures (%), Québec, 2001-2021
Sources: Institut de la statistique du Québec, Taux de faible revenu selon la MPC. Institut de la statistique du Québec, Taux de faible revenu selon la MFR. Calculs du taux selon la MRV réalisés par l’Observatoire à l’aide du fichier de microdonnées à grande diffusion de l’Enquête canadienne sur le revenu 2016 à 2019.
Cette analyse permet de constater une relative stabilité du niveau de faible revenu au cours des 20 dernières années. Comme on peut le voir à la figure 1, la proportion de personnes ayant un revenu sous le seuil de la MFR s’est maintenue en moyenne autour de 10,6 % entre 2001 et 2020. Quant à la proportion de la population sous le seuil de la MPC, elle a oscillé autour de 9 % au cours des 20 dernières années, et ce, pour les trois versions de l’indicateur.
La proportion de la population sous la MFR a cependant diminué en 2020 pour atteindre 7,7 %. Ce creux s’explique en grande partie par les mesures d’aide financière d’urgence accordées aux individus à faible revenu durant la pandémie de COVID-19. La MRV et la MPC ont toutefois enregistré une réduction à partir de 2017, soit avant la pandémie. Cette réduction pourrait résulter de l’instauration en 2016 de l’Allocation canadienne pour enfants. Un examen soigné des données de 2022 et des années suivantes sera nécessaire afin de déterminer si ce recul de la pauvreté se maintient, notamment une fois que les mesures exceptionnelles d’aide financière liées à la pandémie ont pris fin.
Portrait des personnes en situation de pauvreté
Les mesures de faible revenu présentées au niveau de la population générale cachent toutefois des réalités fort différentes au sein de sous-groupes de la population. En effet, certaines catégories de personnes sont surreprésentées parmi la population en situation de faible revenu selon la MFR (11 % en 2019). C’est notamment le cas des personnes âgées de 65 ans et plus (16 %), des personnes sans diplôme (21 %), des personnes immigrantes (13 %), des personnes dont la principale source de revenu sont les transferts gouvernementaux (31 %) et les personnes vivant seules (31 %).
Figure 2. Taux de faible revenu en vertu de la MFR selon différentes caractéristiques, Québec, 2019
Sources: Calculs de l’Observatoire réalisés à l’aide du fichier de microdonnées à grande diffusion de l’Enquête canadienne sur le revenu 2019.
Le profil des personnes en situation de faible revenu évolue également au fil du temps. Entre 2012 et 2019, années limites pour lesquelles un fichier de microdonnées à grande diffusion de l’Enquête canadienne sur le revenu est disponible, la part des personnes âgées de 65 ans et plus est passée de 11% à 29%, soit un écart de 18 points de pourcentage. Cet écart pourrait s’expliquer, en partie, par l’instauration en 2016 de l’Allocation canadienne pour enfants et par l’amélioration des conditions de vie des enfants et des jeunes familles qui en a découlé.
La part des personnes dont la source principale de revenu sont les transferts gouvernementaux, quant à elle, s’est accrue de 8 points de pourcentage pour s’établir à 69 %. Enfin, la part des personnes seules au sein de la population ayant un revenu sous le seuil de la MFR est passée de 37 % à 56 %.
Figure 3. Caractéristiques de la population sous le seuil de la MFR, Québec, 2012 & 2019
Sources: Calculs de l’Observatoire réalisés à l’aide du fichier de microdonnées à grande diffusion de l’Enquête canadienne sur le revenu 2019.
Vers un 4e plan de lutte contre la pauvreté
L’Observatoire québécois des inégalités a déposé, dans le cadre de la consultation publique portant sur le 4e plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté, un mémoire présentant des orientations visant une réduction significative et durable de la pauvreté au Québec.
L’analyse présentée dans ce texte est tirée de ce mémoire. Pour le consulter dans son intégralité : Des orientations pour une réduction significative et durable de la pauvreté au Québec