Inégalités sociales de santé : une tendance à « blâmer » ceux qui en font les frais

Publié le 20 octobre 2021

Les facteurs ayant une influence sur la santé des individus sont parfois individuels, comme les habitudes de vie et les comportements, alors que d’autres sont plutôt collectifs et reflètent les environnements dans lesquels les personnes vivent, tels que le filet social, le niveau d’éducation ou l’environnement physique.

Un rapport publié récemment par l’Observatoire fait état des perceptions de la population québécoise à l’égard des inégalités de revenu et des inégalités sociales de santé. Celui-ci comprend les résultats de questions de sondage portant sur l’importance qu’accordent les répondants à la réduction des inégalités de santé, et à travers quels types d’actions ces derniers pensent la rendre possible.

Les répondants sont fortement majoritaires à estimer que la réduction des inégalités sociales de santé devrait être une priorité pour la société québécoise. Pour les inégalités sociales de santé en général, le taux d’accord totalise 90 %, alors que pour différents groupes, il varie entre 82 % et 85 %. Dans le sondage, les inégalités sociales de santé étaient définies comme suit : « Au Québec, il y a des inégalités de santé évitables (p.ex. écart d’espérance de vie, mortalité prématurée, lésions professionnelles, diabète, santé mentale, etc.) selon la position sociale, par exemple selon le revenu, la scolarité, l’appartenance ethnique, le genre, la structure familiale, l’emploi ou la défavorisation sociale ou matérielle. »

 

 

Afin de comprendre les perceptions de la population à l’égard de certains facteurs influençant la santé, il a été demandé aux répondants d’indiquer l’importance qu’ils attribuent à ceux-ci quant à leur incidence sur la santé. Ils ont donc attribué une note sur une échelle de 1 à 6 à chacun des facteurs, où 1 signifie un effet pas du tout important et 6, un effet très important.

Le tableau ci-dessous fait état des scores moyens ainsi que du pourcentage de répondants ayant accordé à un facteur les deux niveaux d’importance les plus élevés (5 et 6). Les résultats indiquent clairement que certains facteurs font beaucoup plus consensus que d’autres. Par exemple, près de 80 % des répondants pensent que les habitudes de vie et les comportements ont une incidence très importante sur la santé (score moyen de 5,1 sur 6). Comparativement, la communauté locale et le voisinage sont considérés comme moins importants (score moyen de 4 sur 6) et avec seulement 35 % des répondants qui y accordent une importance élevée.

facteur sante selon le score

 

Comme l’affirment certaines études dans d’autres localités[1], il semble que les répondants québécois soient eux aussi enclins à « blâmer » ou responsabiliser les personnes qui font les frais des inégalités sociales de santé, notamment en nommant les habitudes de vie et les comportements comme le facteur le plus important. Toutefois, des facteurs reconnus comme des déterminants sociaux de la santé tels que l’accès aux soins de santé, le stress et le revenu sont également identifiés par la population comme très importants. Finalement, certains facteurs sociaux demeurent peu identifiés par les répondants comme entretenant des liens avec les inégalités sociales de santé, malgré leur rôle reconnu par la littérature sur la question. C’est le cas de l’éducation, du filet social et de la communauté locale.

Afin d’approfondir la question des déterminants sociaux de la santé, les répondants ont aussi été sondés sur leur perception de manière plus précise, au sujet des moins bien nantis et des mieux nantis. Pour ces deux groupes, six facteurs ont été soumis. Ces facteurs ont été présentés comme pouvant avoir des effets négatifs sur la santé pour les moins nantis, tandis que chez les mieux nantis, ces mêmes facteurs étaient soumis comme influençant positivement la santé. Par exemple, le manque de revenu serait un déterminant qui nuit à la santé des moins nantis, tandis que le revenu (plus que) suffisant des mieux nantis serait pour ce groupe le déterminant d’une meilleure santé.

determinant de la sante pour les moins nantis

Les résultats montrent que tous les facteurs proposés sont perçus comme importants pour la santé par une majorité des répondants, allant de 51 % jusqu’à 92 % de taux d’accord. La plupart des facteurs récoltent plus d’appuis en tant qu’agents d’influence sur une moins bonne santé des moins nantis, à l’exception des connaissances et compétences en matière de santé.

Plusieurs leviers sont envisageables pour réduire l’incidence des déterminants sociaux et de la défavorisation sur les inégalités sociales de santé. Afin de savoir lesquels font consensus au sein de la population québécoise, les répondants se sont prononcés sur l’importance de mettre en œuvre un nombre d’actions en vue de réduire les inégalités sociales de santé en accordant à chacune d’elles un pointage sur une échelle de 1 à 6, où 6 désigne le plus haut degré d’importance.

Le score moyen des actions proposées varie de 4,3 à 5,1 et la part de répondants qui accorde les deux niveaux les plus favorables (5 et 6) à une action se situe entre 49 % et 76 %. Une seule action n’obtient pas de majorité, celle de renforcer la lutte contre les changements climatiques (49 % des répondants lui accordent une haute importance). Puisque l’appui des Québécoises et des Québécois pour des mesures environnementales est assez bien établi[2], cela pourrait indiquer que les répondants ne voient pas l’intérêt de lutter contre les changements climatiques dans le but spécifique de réduire les inégalités sociales de santé.

Les deux actions dont le score moyen est le plus élevé concernent l’éducation et le système de la santé, et ce sont aussi celles qui ont obtenu les plus hauts taux de pointage désignant une haute importance (5 et 6), avec des taux respectifs de 76 % et 75 %. Pourtant, le niveau d’éducation n’est pas vu comme un déterminant aussi important par les répondants (pour comparaison, seulement 48 % des répondants accordent un score de 5 ou 6 à l’éducation pour son importance comme déterminant social). La troisième action la plus fortement appuyée porte sur les habitudes de vie tandis que la quatrième concerne la lutte contre la pauvreté.

Priorite des actions - sante

 

Les inégalités sociales de santé semblent donc être un enjeu de société important pour la population québécoise. Les facteurs qui influencent les inégalités sociales de santé sont connus, mais la compréhension que s’en font les citoyens pourrait être améliorée, notamment en ce qui concerne les façons dont certains déterminants sociaux affectent différents groupes, comme les moins nantis et les mieux nantis. Quant aux actions pouvant réduire les inégalités sociales de santé, l’appui semble présent pour plusieurs pistes de solution, ce qui est prometteur pour l’avenir.

[1] Voir pages 15-16 du rapport (disponible ici).

[2] Par exemple (d’autres exemples sont cités dans le rapport) : Patrice Bergeron (2020) « Les Québécois jugent durement les gouvernements en matière d’environnement » dans Le Devoir 5 novembre 2020 [EN LIGNE]. À noter : « quatre répondants sur cinq (81 %) estiment qu’il est important que la lutte aux changements climatiques fasse partie des priorités des gouvernements dans les plans de relance post-pandémie ».

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