Inégalités territoriales : quand le quartier influence la qualité de vie

Publié le 21 octobre 2025

Les municipalités jouent un rôle essentiel dans la manière dont nos milieux de vie influencent la santé et le bien-être des populations. La répartition des parcs, la qualité de l’air, la proximité du transport collectif ou encore la qualité de logement façonnent nos expériences quotidiennes du territoire. Pourtant, ces conditions environnementales et sociales ne sont pas les mêmes pour tous et toutes. Dans plusieurs quartiers du Québec, les ménages à faible revenu, les personnes issues de l’immigration et les locataires vivent dans des environnements qui cumulent des désavantages matériels et sanitaires.

Une analyse des données de Statistique Canada révèle des écarts importants entre les territoires alors que le Québec est en pleine période électorale municipale. Comprendre ces inégalités permet donc de repenser les villes à partir d’un principe simple: l’équité territoriale est indissociable de la justice sociale. Cet article survole certaines inégalités qui traversent les milieux de vie urbains au Québec.

Pollution atmosphérique

L’air que nous respirons n’a pas la même qualité selon le quartier où l’on habite. En 2022, un ménage sur cinq au Québec vivait dans un secteur présentant un problème de smog ou de pollution atmosphérique. Ce risque est toutefois plus marqué pour les ménages les plus pauvres,   Les personnes nées à l’étranger et les locataires sont également surreprésentés parmi les populations exposées à la pollution.

Ces écarts ne sont pas anodins. On observe que les quartiers défavorisés sont souvent situés près d’axes routiers, de zones industrielles ou d’espaces moins végétalisés, ce qui augmente la pollution et la chaleur. Ces réalités se traduisent par des effets concrets sur la santé respiratoire et cardiovasculaire, mais aussi sur le bien-être psychologique. En matière d’environnement, la pauvreté s’accompagne donc souvent d’une exposition accrue aux risques.

Vivre dans un logement adapté aux écarts de température

Ces inégalités environnementales s’étendent à la sphère domestique. Plus d’un ménage québécois sur dix se déclare insatisfait ou très insatisfait de la température de son logement, autant en été qu’en hiver. Cette insatisfaction est nettement plus élevée chez les locataires (16,8 % en hiver) que chez les propriétaires (7,9 %). Les ménages à faible revenu et les personnes nées hors du Canada sont particulièrement touchés. On observe d’ailleurs une concentration de ces situations dans les quartiers les plus défavorisés, souvent caractérisés par un parc locatif plus ancien et moins bien entretenu. Ces secteurs, où la densité urbaine est élevée et la végétation rare, sont aussi plus exposés aux effets des îlots de chaleur.

 

Les logements mal isolés ou mal ventilés deviennent de véritables pièges thermiques, surtout pour les familles à faibles ressources. En été, la chaleur s’y accumule, augmentant les risques de déshydratation et d’épuisement. En hiver, le froid s’y installe, entraînant des coûts de chauffage difficiles à assumer, sinon des enjeux de santé. Dans un contexte de changements climatiques, ces situations vont s’aggraver si rien n’est fait pour adapter et améliorer le parc locatif. À noter qu’en 2023, on estimait que 42% des HLM au Québec étaient en mauvais ou très mauvais état.

Se sentir en sécurité dans son quartier

La qualité de vie ne dépend pas uniquement des conditions matérielles. Le sentiment de sécurité, lui aussi, varie selon les milieux. En 2022, 9,2 % des Québécois déclaraient ne pas se sentir en sécurité lorsqu’ils marchent seuls dans leur quartier après la tombée du jour. Ce taux grimpe à 11,9 % chez les personnes à faible revenu, à 13,2 % chez celles nées à l’étranger et à 12,5 % chez les locataires.

 

Ces différences rappellent que la sécurité perçue n’est pas uniquement liée à la criminalité, mais aussi à l’environnement urbain. L’éclairage des rues, la vitalité des espaces publics, la mixité sociale et le sentiment d’appartenance au quartier jouent un rôle déterminant.

L’accès aux parcs : un privilège qui ne bénéficie pas à tous

Les espaces verts constituent un atout majeur pour la santé et le bien-être, mais leur répartition demeure inégale à travers le territoire. En 2021, seulement 6,6 % des secteurs fortement défavorisées sur le plan matériel disposaient d’au moins un parc, comparativement à 11,6 % dans les zones les plus favorisées. Ces écarts limitent la possibilité pour de nombreuses familles de profiter d’endroits gratuits pour jouer, marcher ou se reposer. De plus, ces espaces font office d’îlot de fraîcheur durant les journées les plus chaudes.

En effet, au-delà du loisir, la présence d’espaces verts influence la qualité de l’air, réduit les îlots de chaleur et favorise la santé mentale. Dans les milieux denses ou défavorisés, leur absence accroît la vulnérabilité de la population face aux vagues de chaleur.

Se déplacer : une question d’égalité

La mobilité constitue une autre dimension cruciale des inégalités territoriales. Comme l’a révélée une analyse de l’Observatoire sur les inégalités en matière de transport, les zones favorisées sur le plan matériel bénéficient plus souvent d’un accès facile au transport collectif : 26,7 % d’entre elles disposent d’au moins un arrêt de transport en commun, contre seulement 10,6 % des zones très défavorisées. Les personnes ayant le plus besoin d’un service abordable et fréquent sont donc souvent celles qui y ont le moins accès.

Cette inégalité d’accès limite non seulement les déplacements, mais aussi l’accès à l’emploi, aux études et aux services. Elle renforce la dépendance à l’automobile et ses impacts économiques et environnementaux.

Pour des villes plus équitables et résilientes

L’ensemble de ces constats ne sont que quelques exemples de la traduction territoriale des inégalités sociales. La santé, la sécurité et le bien-être dépendent aussi du quartier où l’on vit. Ces écarts ne relèvent pas du hasard, mais du résultat de choix d’aménagement, d’investissements publics et de priorités politiques.

Pour réduire ces écarts, les municipalités disposent de leviers concrets. En matière d’habitation, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments de la municipalité, l’entretien des logements sociaux et le soutien à des programmes de rénovation abordables peuvent atténuer la précarité énergétique et renforcer la santé publique. Ces mesures, en assurant des logements mieux adaptés aux écarts de température, protègent aussi les populations les plus vulnérables face aux changements climatiques.

La planification urbaine joue également un rôle central. Intégrer la santé environnementale à la gestion du territoire permet de repenser la qualité de l’air, de réduire le trafic motorisé et d’accroître la présence d’arbres et d’espaces verts. Le verdissement des quartiers les plus denses et les plus défavorisés améliore non seulement la qualité de l’air, mais aussi la sécurité perçue, la cohésion sociale et le bien-être psychologique. En parallèle, le renforcement du transport collectif dans les secteurs mal desservis favorise la mobilité durable et l’inclusion sociale. Offrir à toutes et à tous un accès équitable aux déplacements, aux emplois et aux services contribue à réduire la dépendance à l’automobile et à atténuer les inégalités économiques et territoriales.

En plaçant la réduction des inégalités au cœur des politiques locales, les municipalités peuvent transformer les milieux de vie en espaces plus justes, plus sains et plus inclusifs. La justice sociale se construit aussi à l’échelle du quartier, là où se vit concrètement l’expérience du quotidien.

 

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