Publié le 1 mai 2024
Montréal, le 1er mai 2024 – À l’occasion de la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, l’Observatoire québécois des inégalités publie une note d’analyse qui documente certaines inégalités en milieu de travail dans un contexte de plein emploi. En effet, depuis 2022, le Québec connaît un taux de chômage très bas (autour de 5 % ), accompagné d’une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs. « Nous nous sommes questionnés sur l’état des inégalités dans cette conjoncture favorable et avons constaté que non seulement certaines persistaient, mais aussi que d’autres émergeaient », explique Émilie Lessard-Mercier, étudiante au doctorat à l’Université Laval et chercheuse en résidence à l’Observatoire québécois des inégalités.
Plein emploi ne rime pas nécessairement avec qualité de l’emploi
Principal constat de cette analyse : la vigueur du marché de travail ne garantit pas nécessairement de meilleures conditions pour les travailleuses et travailleurs. En effet, la part de l’emploi atypique dans l’emploi total a considérablement augmenté dans les dernières décennies pour s’établir à 32,5 % en 2022. Si l’emploi atypique peut être choisi, ce n’est pas toujours le cas, et bien souvent il constitue une source de précarisation.
D’autre part, la situation de pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs pousse les gouvernements à se tourner de plus en plus vers l’immigration temporaire pour combler les besoins. Or, le permis de travail fermé octroyé dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) rend particulièrement vulnérable aux abus de la part de l’employeur.
L’accès au télétravail, une source d’inégalités
Pratique marginale avant 2020, le recours au télétravail fait aujourd’hui partie du quotidien d’un grand nombre d’employé·es. Adoptée par 1 travailleur ou travailleuse sur 3, si on tient compte des personnes qui travaillent en mode hybride, cette pratique tend toutefois à renforcer les inégalités entre les sexes. La principale raison? Le télétravail vient doubler la charge de travail des femmes qui ont tendance à fusionner les tâches domestiques et les tâches relatives au travail rémunéré.
Et si le télétravail permet de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle, notre analyse démontre que toutes et tous n’y ont pas accès également selon la nature de leur emploi. Par exemple, dans le secteur des services à la personne, les emplois sont difficilement transposables en télétravail. De plus, les conditions dans lesquelles le télétravail est effectué (ex. espace dédié, équipement, ressources) tendent à favoriser les personnes ayant des statuts plus élevés dans les organisations.
De nouvelles inégalités à surveiller
Le recours aux agences de placement n’est pas nouveau, mais s’est accentué ces dernières années en raison de la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, comme dans les services de garde à l’enfance et les centres jeunesse. Cette pratique engendre des inégalités entre le personnel du milieu de travail et celui des agences qui bénéficie notamment d’une plus grande flexibilité d’horaire.
Dans un autre ordre d’idée, l’arrivée de l’intelligence artificielle dans les milieux de travail laisse présager des transformations de la nature de certains emplois. Ces modifications comportent des risques d’accentuation des inégalités socioéconomiques. Les personnes peu qualifiées et ayant les plus bas salaires sont les plus à risque de perdre leur emploi et les moins aptes à occuper les emplois créés par le développement de l’IA.
« Cette note d’analyse permet d’avoir une bonne idée de l’état de certaines inégalités au travail au Québec, mais laisse surtout entrevoir des pistes de recherche pertinentes, notamment pour documenter les effets différenciés de l’intelligence artificielle sur les travailleuses et les travailleurs », indique Nathalie Guay, directrice générale de l’Observatoire québécois des inégalités.