Inégaux face au Coronavirus

Publié le 20 mars 2020

Certains groupes sociodémographiques sont davantage touchés par la crise sanitaire et économique causée par la COVID-19. La prise en compte de ces vulnérabilités peut aider le gouvernement à établir des mesures les plus efficaces. L’Observatoire québécois des inégalités publiait à cet égard une analyse des conséquences sur le plan humain et économique, ainsi que des mesures concrètes pouvant être adoptées pour limiter les effets négatifs de cette crise.

Enjeux sociaux

Certaines populations sont plus à risque d’être contaminées par le virus. C’est le cas des personnes aînées, des personnes immunodéprimées et présentant certaines maladies.

Les conditions associées à la pauvreté – la difficulté de s’alimenter correctement et la charge mentale induite par le stress financier, par exemple – affectent directement la santé des personnes, ce qui pourrait les rendre plus vulnérables à la contamination. Les personnes moins nanties sont également plus nombreuses à occuper des emplois précaires et à faible revenu requérant un contact humain direct, typiques du secteur des services, augmentant les risques d’être contaminés.

Les personnes aînées et les personnes à faible revenu sont également plus vulnérables au chapitre de l’isolement social. En effet, au Québec des travaux relevaient que 19 % des personnes de 65 ans et plus et 22 % des personnes à faible revenu ne bénéficiaient pas d’un soutien social fort avant la crise sanitaire [1].

Par ailleurs, les pandémies passées ont révélé que les femmes pourraient y être plus vulnérables, notamment parce qu’elles sont surreprésentées dans les emplois de la santé et des services sociaux.

Finalement, la fermeture des frontières pourrait avoir un effet sur les résidents étrangers dont la vie sociale ne se limite pas au Canada ou au Québec, et qui doivent composer avec le fait de ne plus pouvoir rejoindre leurs familles et proches à l’étranger. La réduction du trafic aérien pourrait quant à elle affecter des communautés autochtones isolées qui comptent sur les ravitaillements et l’aide médicale par le biais du transport aérien.

 

Enjeux économiques

La crise actuelle n’est pas uniquement sanitaire : elle affecte également de manière brutale l’économie canadienne et québécoise.

Or, dans un contexte où 10 % de la population québécoise ne parvenait pas à couvrir ses besoins de base [2] et où près de la moitié de la population canadienne considérait être à un chèque de paie de la faillite personnelle [3], des aléas financiers pourraient faire basculer ces ménages dans une précarité matérielle encore plus importante.

Contrairement aux crises financières dont les effets peuvent se concrétiser après un certain temps, celle induite par la COVID-19 provoque des effets déjà visibles. Ainsi, des secteurs comme ceux de la restauration, de l’hôtellerie et du commerce du détail, qui comprennent un grand nombre d’employés à faible salaire, au statut précaire, aux avantages sociaux limités, sans protection syndicale et à qui il n’est pas nécessairement possible ou permis d’avoir recours au télétravail seront sévèrement touchés par le ralentissement économique.

Les organismes sans but lucratif du secteur communautaire souffrent également des nécessaires mises en quarantaine qui les privent des bénévoles et des levées de fonds, essentiels au maintien de leurs activités de soutien aux populations vulnérables.

Rappelons également que les personnes qui se trouvent à l’intersection de plusieurs des caractéristiques des populations vulnérables, par exemple les femmes immigrantes à faible revenu, présentent un risque encore plus grand de souffrir des conséquences de la crise actuelle.

 

Les mesures potentielles

Les gouvernements fédéraux et provinciaux ont rapidement pris des mesures pour venir en aide à la population, dont certaines se trouvaient dans notre analyse. Si nous saluons ces initiatives, plusieurs mesures additionnelles pourraient probablement être adoptées, comme la création d’un comité consultatif réunissant les principaux experts et organisations œuvrant auprès des plus vulnérables afin d’identifier en temps réel les enjeux auxquels ces groupes font face, de produire des analyses pour mieux évaluer leurs besoins et l’impact des mesures.

De plus, le renforcement de la coopération internationale permettrait d’aider les pays aux moyens plus limités pour lutter contre l’épidémie, sous forme d’aide matérielle ou financière, mais également par le partage bidirectionnel de connaissances et d’expertise.

Un soutien économique envers les secteurs de l’économie les plus touchés nous semble également particulièrement pertinent. À cet égard, il serait possible de favoriser une activité économique permettant de mitiger les effets négatifs de son ralentissement, en offrant aux entreprises une aide financière conditionnée au maintien en emploi des employés, des accommodements sur les horaires et les conditions de travail et en créant des emplois publics.

Par ailleurs, au vu des difficultés auxquelles le secteur communautaire fait face et de la pertinence des services qu’il offre aux populations vulnérables, un soutien accru aux organismes qui le composent nous semble particulièrement judicieux.

Nous proposons également de mettre en place une protection des consommateurs face à leurs créanciers, notamment par un moratoire temporaire sur les obligations financières désormais impossibles à atteindre pour les personnes les plus durement touchés et en s’assurant que les agences de crédit ne pénalisent pas la cote de crédit de ces personnes.

 

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.


[1] Nadine Maltais. « Quelques données sur les liens sociaux au Québec » [présentation]. 22e Journées annuelles de santé publique, 5 décembre 2018. EN LIGNE.

[2] Samir Djidel, Burton Gustajtis, Andrew Heisz, Keith Lam, Isabelle Marchand et Sarah McDermott (2020). Rapport du deuxième examen approfondi de la mesure fondée sur un panier de consommation. Ottawa: Statistique Canada. EN LIGNE.

[3] Sean Simpson. « Nearly Half of Canadians (48 %) Are $200 or Less Away from Financial Insolvency ». Ipsos, 28 octobre 2019. EN LIGNE.

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