L’insécurité alimentaire (encore) en hausse au Québec

Publié le 2 mai 2024

Par François Fournier, chercheur et Geoffroy Boucher, économiste

Les plus récentes données de l’Enquête canadienne sur le revenu (2022) révèlent que le taux d’insécurité alimentaire a progressé de 14,7 % à 15,7 % entre 2021 et 2022 au Québec. Ce sont 1 342 000 personnes qui étaient confrontées à diverses formes d’insécurité alimentaire en 2022.

Figure 1 : Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire, 2018-2022

Statistique Canada. Tableau 13-10-0834-01 Insécurité alimentaire selon le type de famille économique

L’une des principales causes de cette augmentation est liée à la poussée inflationniste : en effet, l’indice des prix à la consommation a atteint jusqu’à 8 % au cours de la période couverte par l’enquête (janvier 2022 à février 2023).

Le Canada tout entier a connu un bond considérable de l’insécurité alimentaire, qui a grimpé de 18,4 % à 22,9 %. Les provinces de l’Atlantique et des Prairies, l’Ontario et la Colombie-Britannique ont toutes enregistré des hausses de prix proches de, égales ou supérieures à 5 %.

Au Québec, c’est la troisième hausse consécutive de l’insécurité depuis 2019, elle est passée de 10,9% en 2019 à 15,7% en 2022. L’insécurité alimentaire modérée et grave y a fortement cru, passant de 8,9 % à 10,8 % pendant que l’insécurité alimentaire marginale diminuait de 5,8 % à 4,9 %.

Les divers degrés d’insécurité alimentaire sont communément caractérisés comme suit :

L’insécurité alimentaire marginale ou légère : de l’incertitude quant à la capacité de se procurer des aliments ou de ne pas avoir une alimentation suffisamment variée.

L’insécurité alimentaire modérée : la qualité ou la quantité de nourriture est compromise pour les enfants ou les adultes.
L’insécurité alimentaire grave : une réduction importante de l’apport alimentaire et des perturbations graves des habitudes (repas sautés, consommation réduite d’aliments et, à l’extrême, privation de repas pendant une journée complète ou plus, et perte de poids).

Qui est le plus affecté par l’insécurité alimentaire au Québec?

→ Communautés autochtones : il est établi que les membres des communautés autochtones sont affectés de manière disproportionnée par l’insécurité alimentaire. Les données québécoises à cet égard étant estimées incertaines par Statistique Canada (« à utiliser avec prudence »), citons le chiffre qui vaut pour les Autochtones de tout le pays : 35,7 % étaient en situation d’insécurité alimentaire en 2022 (population âgée de 15 ans et plus).

→ Immigration récente : 30,8 % des personnes ayant immigré au Canada il y 10 ans ou moins, comparativement à 13,0 % des personnes natives du Canada.

→ Minorités visibles : 26,8 %, dont 33,7% chez les personnes qui s’identifient comme Noires, contre 13,1 % pour les personnes qui ne s’identifient pas comme une minorité visible.

Figure 2. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques, Québec, 2022

Statistique Canada. Tableau 13-10-0835-01 Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques

→ Familles monoparentales : elles sont toujours très nombreuses à vivre de l’insécurité alimentaire, soit 34%.

Par ailleurs, entre 2021 et 2022, les taux d’insécurité alimentaire ont notablement augmenté pour les personnes vivant seules (+ 4,1 %) et pour les couples sans enfant (+ 3,6 %).

Figure 3. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon le type de famille, Québec, 2022

Statistique Canada. Tableau 13-10-0834-01 Insécurité alimentaire selon le type de famille économique

→ Les jeunes adultes âgés de 25 à 34 ans sont particulièrement touchés, avec un taux d’insécurité alimentaire de 21,7 %, comparé à 15,3 % en 2021. De plus, l’insécurité alimentaire touche près de 20% des enfants et jeunes mineurs.

Figure 4. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon l’âge, Québec, 2022