Thème: Pratiques organisationnelles
Publié le 13 mai 2021
Malgré un cadre légal protecteur en place au Canada et au Québec, les politiques, la culture organisationnelle et les pratiques de gestion des organisations peuvent accentuer les inégalités présentes dans la société et même en être la source. Les conditions d’emploi, d’embauches et de promotion établies par les organisations, la discrimination et les biais cognitifs peuvent avoir un effet d’exclusion sur certains groupes de personnes et faire en sorte que leur expérience de travail soit plus sinueuse. L’Observatoire québécois des inégalités a publié un rapport de recherche faisant état de ces inégalités en milieu organisationnel, dont voici les principaux constats.
Les inégalités au sein des organisations : qu’est-ce que ça implique ?
Les inégalités d’accès aux opportunités font référence au fait que certains groupes de personnes n’ont pas les mêmes chances d’accéder au marché du travail, d’occuper un emploi décent, à temps plein, stable et aligné à leur qualification et d’avoir la possibilité de se développer et de vivre une progression de carrière satisfaisante.
Les inégalités de revenus au sein des organisations coïncident généralement avec des situations de discrimination et d’iniquité salariale ou des écarts extrêmes de revenus. Même en présence de Lois qui assurent l’équité salariale, ces différentes situations subsistent au sein des organisations.
Les inégalités de qualité de vie au travail font référence aux conditions mêmes de l’emploi (stabilité, horaires, niveau de difficulté, etc.), mais aussi à l’articulation entre la sphère professionnelle, la sphère familiale et les différents temps sociaux qui peuvent être porteurs de défis supplémentaires pour certains groupes de personnes.
Les inégalités de pouvoir font référence à la faible représentativité des groupes minorisés dans les instances décisionnelles, notamment au sein de la haute direction et des conseils d’administration des organisations privées.
Principaux constats
- Malgré un niveau de scolarité plus élevé que les hommes et une moindre présence dans les emplois moins qualifiés, les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel, non permanents et faiblement rémunérés. Elles vivent des situations d’iniquité salariale qui affectent leurs revenus. En 2017, le revenu annuel total médian des Québécoises se situe à 27 100 $, ce qui représente 70 % de celui des Québécois qui s’établit à 38 700 $. De plus, lors de leur carrière, les femmes se heurtent également au plafond de verre et accèdent difficilement aux postes de gestion. Elles n’occupent que 36 % des postes de gestion au Québec. C’est d’ailleurs pour cette raison que les femmes sont aussi moins représentées dans les conseils d’administration et au sein de la haute direction des entreprises québécoises.
- Les personnes issues de la diversité de genre et d’orientation sexuelle sont elles aussi davantage exposées aux inégalités. Leur accès à l’emploi est plus difficile à cause des préjugés les concernant et leur rémunération est moindre, notamment à cause des expériences de travail discontinues. Une étude montre que 23 % des employés homosexuels auraient subi une forme d’homophobie directe dans le cadre de leur emploi. En effet, le climat de travail, les agressions vécues et l’obligation ressentie de dissimuler l’identité de genre où l’orientation sexuelle amoindrit la qualité de vie au travail des personnes issues des communautés LGBTQ+..
- Les personnes ayant 55 ans et plus représentent 21 % de la population active au Québec. Celles-ci ont la durée moyenne de chômage la plus élevée de toute la population et elles représentent la majorité des chômeurs de longue durée. La qualité des emplois qu’elles occupent s’est aussi dégradée avec le temps : en 2019, les personnes ayant 55 ans et plus représentent 26 % des emplois à temps partiel, 17 % des situations de cumul d’emploi et 12 % des employés rémunérés au salaire minimum.
- Malgré un niveau de scolarité plus élevé et une participation en hausse à la vie active, les immigrants et les personnes appartenant aux minorités visibles ont des taux de chômage plus élevé que le reste de la population. On évoque l’existence d’une barrière invisible faite de préjugés, de biais cognitifs et de discrimination directe et indirecte les empêchant d’accéder aux opportunités. La conséquence ? Un taux de surqualification élevé pour cette population, une faible représentation dans les fonctions de gestion et au sein de la haute direction et une iniquité salariale. Une étude montre que les personnes issues d’une minorité visible nées au Canada et ayant fait des études universitaires touchent en moyenne 0,87 $ pour chaque dollar gagné par leurs pairs n’appartenant pas à une minorité visible.
- Alors que les personnes ayant une incapacité représentent 16 % de la population québécoise, elles affichent un taux de chômage deux fois plus élevé que celui de la population et plus de 100 000 d’entre elles représentent des travailleurs potentiels si elles bénéficient des mesures d’inclusion et d’accessibilité nécessaires de la part des organisations. L’accès limité aux opportunités d’emploi affecte aussi les revenus des personnes ayant une incapacité. 33 % des personnes actives issues de ce groupe vivent avec un revenu inférieur à 15 000 $ (contre 22 % des personnes n’ayant pas d’incapacité).
- Les personnes autochtones ont également un taux de chômage plus élevé (8 %) que les personnes non autochtones (5 %) et sont souvent surreprésentées dans les emplois peu qualifiés, instables et faiblement rémunérés. Le faible niveau de diplomation des personnes autochtones et leur isolement géographique contribue à ces situations. De ce fait, les personnes autochtones sont très peu représentées dans les postes de gestion et au sein des hautes sphères décisionnelles et leur revenu d’emploi médian est moins élevé que celui des personnes non autochtones au Québec (24 889 $ contre 31 424 $).
En plus d’avoir des impacts sur les personnes concernées et la société, ces inégalités génèrent des coûts pour les organisations, les mettent à risque et affectent leur pérennité, car elles sont à l’origine de risques réputationnels, de gaspillages de talents et de manque à gagner. Pour prendre leur part de responsabilité dans la réduction des inégalités, les organisations gagneraient notamment à mettre en place des mesures de sensibilisation, des formations, des politiques concrètes d’équité, de diversité et d’inclusion portées par la haute direction. Ainsi, elles s’assurent de créer un environnement inclusif et un climat de travail sain et accueillant où tous les groupes de personnes peuvent éprouver un sentiment d’appartenance et de satisfaction au travail.
Finalement, il est primordial que les organisations portent une attention particulière à l’accumulation des facteurs de vulnérabilité. En effet, quand plusieurs des facteurs de vulnérabilité s’additionnent, les inégalités se creusent davantage pour les groupes concernés. Une analyse différenciée selon le sexe et autres facteurs de vulnérabilité pour toute politique, pratique ou action organisationnelle permettrait d’estimer si certains groupes bénéficient de façon disproportionnée d’une mesure ou au contraire, s’ils en font les frais.