L’insécurité alimentaire au Québec

Publié le 4 mars 2020

Le réseau des Banques alimentaires du Québec (BAQ) produit chaque année le « Bilan-Faim Québec », un portrait descriptif des bénéficiaires des services offerts par ses organismes. Ces données permettent de rendre compte de la difficulté qu’éprouve une partie de la population à couvrir un des besoins de base permettant de vivre dans une certaine dignité : l’accès à la nourriture. Le travail des BAQ représente aujourd’hui un maillon essentiel de lutte contre les inégalités de qualité de vie et la malnutrition. Les défaillances du marché du travail au Québec, quant à elles, contribuent à la persistance de l’insécurité alimentaire.

 

Insécurité alimentaire : au-delà de la faim

Le concept de sécurité alimentaire est défini dans la Déclaration du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire comme étant l’accès à tous les individus et à tout moment « à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active[1] ». Cette notion va donc au-delà de celle de la faim, moins adaptée aux sociétés occidentales. L’insécurité alimentaire peut être comprise comme un continuum allant d’un sentiment de crainte à l’égard des réserves en nourriture d’un ménage jusqu’à son épuisement total.

La typologie suivante présente de manière croissante trois catégories d’insécurité alimentaire[2] :

  1. L’insécurité alimentaire marginale : Inquiétude concernant un manque de nourriture potentiel due à des contraintes financières.
  2. L’insécurité alimentaire modérée : Compromis sur la quantité et/ou la qualité de la nourriture due à des contraintes financières.
  3. L’insécurité alimentaire sévère : Certains repas sont sautés, les portions sont limitées et certains jours sont passés sans aucune alimentation.

L’insécurité alimentaire est un phénomène dont les causes les plus importantes sont reliées au manque de moyens financiers, aux situations de faible revenu, et à la difficulté d’accès à la nourriture dans certaines régions, que l’on nomme généralement déserts alimentaires.

En ce qui concerne ses conséquences, les études sur le sujet soulèvent des relations inquiétantes entre l’insécurité alimentaire et différents troubles de santé physique et mentale ainsi que, pour les enfants, une réduction des capacités scolaires et sociales. Ces effets négatifs représenteraient ainsi, à un moment ou un autre, un poids tant financier qu’humain, que doit assumer la collectivité et les institutions publiques comme, par exemple, le système de santé.

 

Les grands constats

Bien que certains ménages s’en sortent mieux que d’autres – les familles comptant au moins un enfant, par exemple –, le nombre de bénéficiaires des BAQ présente une tendance à la hausse depuis 2007, comme nous pouvons le voir à la figure 1.

Figure 1. Nombre de personnes qui ont fait appel aux Banques alimentaires du Québec, 2006 à 2019

Nombre de personnes qui ont fait appel aux Banques alimentaires du Québec

 

On peut observer qu’à partir de 2009-2010, une forte augmentation des bénéficiaires s’est fait sentir, probablement reliée aux effets de la crise financière et de la récession sur le marché du travail. Malgré la reprise économique des dernières années, le plein emploi ne semble pas réduire l’insécurité alimentaire au Québec. La rémunération des travailleurs qui font appel aux services des BAQ, par exemple, ne sont pas garantes d’une amélioration des conditions de vie.

Les données nous indiquent que les personnes les plus à risque de faire usage des services des BAQ sont les personnes seules, les prestataires de l’aide sociale et dans une certaine mesure, les travailleurs.

 

Des solutions envisageables

Il est possible d’agir sur l’insécurité alimentaire de quatre façons : par l’évaluation de l’état de l’insécurité alimentaire au Québec et de ses conséquences sur la population; par la bonification des mesures de prévention de la pauvreté et du soutien au revenu; par un plus grand soutien des banques alimentaires; et par une meilleure concertation entre les ministères et entre les différents paliers de gouvernements.

La multiplication et l’institutionnalisation des banques alimentaires au Québec semble dans une certaine mesure compenser la faiblesse du filet social. Si les BAQ ont fait preuve d’une grande d’initiative en mobilisant des ressources pour répondre à un besoin urgent, le rôle de l’État face à cet enjeu n’en n’est pas moins centrale. Cette responsabilité consisterait d’une part à combler les déficiences apparentes du marché du travail et d’autre part, à prendre en charge les personnes qui n’ont pas recours aux services des BAQ étant donné le manque d’information ou les stigmates associés au recours aux paniers alimentaires qui font en sorte que certaines personnes choisissent de ne pas en bénéficier. Par ailleurs, un soutien au revenu plus généreux pourrait être, au moins en partie, compensé par une réduction des dépenses dans les services de santé engendrés par les conséquences de l’insécurité alimentaire.

Le cas de Terre-Neuve-et-Labrador – qui a vu son niveau d’insécurité alimentaire chez les prestataires de l’aide sociale baisser fortement à la suite d’une réforme de sa stratégie de lutte contre la pauvreté[3] – démontre qu’une volonté politique forte et des interventions cohérentes entre plusieurs parties prenantes permet de réduire la prévalence de l’insécurité alimentaire, même chez les personnes les plus vulnérables.

 

 

 

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.


[1] Sommet mondial sur la sécurité alimentaire. (2009). « Projet de déclaration du sommet mondial sur la sécurité alimentaire ». [En ligne] .

[2] Tarasuk, V., Mitchell, A. et Dachner, N. (2014). « Household food insecurity in Canada, 2012 ». Toronto : Research to Identify Policy Options to Reduce Food Insecurity (PROOF).

[3] Loopstra, R., Dachner, N. et Tarasuk, V. (2015). « An Exploration of the Unprecedented Decline in the Prevalence of Household Food Insecurity in Newfoundland and Labrador, 2007-2012 ». Canadian Public Policy, 41(3), 191-206.

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