Thème: Économie
Publié le 29 novembre 2024
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Depuis quelques années, on souligne en novembre la journée où les femmes cessent d’être rémunérées pour leur travail. Il s’agit alors d’exprimer symboliquement, sur une base annuelle, l’écart qui demeure entre le salaire horaire moyen des femmes et celui des hommes. Une porte d’entrée intéressante pour examiner certaines inégalités persistantes entre les femmes et les hommes sur le marché du travail.
Les femmes gagnent 91% de la rémunération horaire moyenne des hommes
Le salaire horaire moyen des Québécoises salariées de 15 ans et plus est de 30,90 $ en 2023, alors qu’il est de 33,80 $ pour les Québécois. Cet écart de près de 3 $ l’heure entre les deux groupes fait en sorte que le salaire horaire moyen des femmes ne représente que 91% de celui des hommes.
Comme on le constate dans la figure 1, cet écart diminue depuis 2005 alors que le salaire horaire des femmes représentait 86% de celui des hommes. Cette tendance s’observe aussi à plus long terme. Près de 10 ans plus tôt, au moment de l’adoption de La loi sur l’équité salariale en 1996, le salaire horaire moyen des femmes représentait environ 84% de celui des hommes[1]. En 1978, selon le Conseil du statut de la femme, les femmes travaillant à temps plein toute l’année gagnaient environ 60% du salaire des hommes[2].
Figure 1. Ratio de rémunération horaire femmes/hommes, Québec, de 2005 à 2023
Source : Enquête sur la population active, Statistique Canada. Adapté par l’Institut de la statistique du Québec
Une double pénalité pour les femmes immigrantes
Au Québec, certaines femmes ont moins profité de ces progrès que d’autres. Par exemple, le statut d’immigration a un certain impact sur la rémunération. Le salaire horaire moyen des personnes immigrantes est inférieur de 5% à celui des personnes natives, comme on le constate dans le tableau 1. Les femmes immigrantes se trouvent ainsi doublement pénalisées. L’écart entre les femmes et les hommes immigrants est plus important que du côté des natifs, soit 4,36$ l’heure. Enfin, le salaire horaire moyen des femmes immigrantes représente 85% de celui des hommes natifs.
En matière de rémunération, le genre demeure un facteur de différenciation plus déterminant que le statut d’immigration. En effet, il y a une différence de 8% entre le salaire horaire des femmes immigrantes et celui des femmes natives, mais dans le cas des hommes immigrants face aux natifs, cet écart est de 3%. En 2023, le salaire des femmes natives est même inférieur à celui des hommes issus de l’immigration de près de 2$ l’heure.
Tableau 1 : Rémunération horaire moyenne, personnes immigrantes et celles nées au Canada, pour les femmes et les hommes en 2023 au Québec
Source : Enquête sur la population active, Statistique Canada. Adapté par l’Institut de la statistique du Québec
Les causes de l’écart de rémunération horaire entre les femmes et les hommes
Divers facteurs expliquent les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Les écarts de rémunération horaire sont en partie attribuables aux types d’emploi et aux secteurs d’activité où l’on retrouve les femmes. Les femmes sont surreprésentées dans les secteurs du « prendre soin » (care) où elles occupent des emplois plus faiblement rémunérés : éducatrices à la petite enfance (96%), infirmières (90%) et préposées aux bénéficiaires (83%), alors que leur accès à des postes à prédominance masculine, et mieux rémunérés, progresse peu[3]. Par exemple, les femmes immigrantes représentent plus de 80% des 30 000 travailleuses domestiques au Québec, dont le revenu annuel moyen se situe à environ 20 000$[4]. Elles sont aussi plus nombreuses à occuper des emplois moins bien rémunérés dans le secteur privé[5]. Selon Ruth Rose, « les jeunes continuent de choisir leur domaine d’études en fonction des traditions masculines et féminines »[6].
La maternité continue d’avoir un impact sur les salaires des femmes. Outre les impacts sur le temps de travail, incluant la prise d’un plus grand nombre de semaines de congé à la naissance des enfants, les interruptions dans les carrières des mères peuvent avoir un impact sur la rémunération et les perspectives de promotion des femmes[7], particulièrement lorsqu’elles ont plusieurs enfants[8]. Les futures mères font parfois aussi des choix de carrière en prévision de la maternité et peuvent privilégier des conditions de travail plus flexibles permettant une meilleure conciliation des responsabilités avec la vie familiale[9].
On sait également que 24,5% des femmes salariées au Québec ont un emploi de faible qualité en 2023, c’est-à-dire à faible salaire, de qualification faible, occupé par une personne surqualifiée, instable et à plus de 40h par semaine[10]. Du côté des hommes salariés, ils sont 19,8% à avoir un emploi de faible qualité. La bonne nouvelle est que les femmes ont rattrapé les hommes en ce qui concerne les emplois de qualité élevée. La différence entre les deux groupes est de moins d’un point de pourcentage.
Pour contrer la sous-évaluation des emplois typiquement féminins, la Loi sur l’équité salariale a été adoptée en 1996 au Québec. Selon la CNESST, « L’équité salariale est le droit d’une personne de recevoir un salaire égal à celui d’une autre personne occupant un emploi de valeur équivalente dans la même entreprise »[11]. Toutefois, elle ne s’applique pas aux entreprises qui comptent moins de 10 employés, ce qui est le cas de 71,7% des entreprises québécoises[12]. Une autre limite importante est qu’elle ne s’applique qu’en fonction des écarts de salaire au sein d’une même organisation.
Il y a également des différences importantes entre les travailleuses et les travailleurs autonomes. Les femmes dans cette catégorie, qui inclut les propriétaires d’entreprises, sont moins nombreuses que les hommes, mais sont aussi moins susceptibles de pouvoir compter sur une aide rémunérée[13]. En effet, en 2023, 25% des personnes disposant d’une aide rémunérée étaient des femmes, une proportion qui, malgré quelques légères hausses, est demeurée relativement stable depuis 2006[14].
Malgré une amélioration importante depuis 2006, les femmes demeurent sous-représentées dans les postes de cadre au Québec, particulièrement en ce qui concerne les cadres supérieurs. Les femmes constituaient 31% de cette catégorie en 2022. Elles sont toutefois un peu plus nombreuses dans les postes de cadre intermédiaire (40% en 2021), plus particulièrement dans certains secteurs (santé et services sociaux, communautaire, enseignement)[15]. Les femmes appartenant à une minorité visible sont elles aussi sous-représentées dans les postes de cadre intermédiaires, détenant 5% de ces emplois alors qu’elles représentent 8% de la population active québécoise. Comme le souligne le Conseil du statut de la femme, “le plafond de verre demeure tenace, en raison notamment de stéréotypes associant la gestion à la masculinité”[16]. À ce sujet, Ruth Rose souligne la persistance de “préjugés quant aux capacités des femmes et la valeur de leur travail, surtout quand il s’agit de promotion aux postes supérieurs et la négociation individuelle des salaires”[17].
Enfin, on apprenait dans notre publication concernant les mieux nantis au Québec et au Canada, que les femmes représentent 37,7% du groupe des 10% des personnes à plus hauts revenus après impôts au Québec. Bien que cette proportion ait connu une forte croissance en 20 ans (augmentation de 10,5 points de pourcentage), les femmes ont tout de même 64,6 % moins de chances que les hommes de faire partie des mieux nantis au Québec[18].
Les femmes continuent à combler l’écart concernant le temps de travail
Un autre facteur qui explique les écarts de salaire entre les hommes et les femmes est le temps de travail. Les données disponibles indiquent que les femmes continuent de combler cet écart. Comme on le constate dans la figure 2, l’écart entre le total des heures travaillées par les hommes et par les femmes sur une base annuelle a diminué de 343,9 heures en 2006 à 274,5h en 2023. À titre indicatif, sur une base hebdomadaire, cette différence équivaut à 5,3h par semaine. Cette réduction de l’écart s’explique par l’augmentation du temps de travail annuel des femmes de 19h, combinée à une diminution de celui des hommes de 51 h au cours de la période.
Figure 2. Écart du nombre total d’heures travaillées sur une base annuelle entre les femmes et les hommes, au Québec, de 2006 à 2023
Source : Enquête sur la population active, Statistique Canada. Adapté par l’Institut de la statistique du Québec
La combinaison d’un salaire horaire moyen plus bas et un nombre inférieur d’heures réalisées fait en sorte que la rémunération hebdomadaire moyenne des femmes salariées ne représentait que 82% de celle des hommes en 2023, soit 1038$ pour les femmes contre 1259$ pour les hommes[19].
Cette plus faible rémunération fait en sorte que les femmes sont un peu plus nombreuses que les hommes à se trouver en situation de faible revenu. En effet, en 2021, 10,6% des femmes et 9,2% des hommes avaient un revenu se situant sous le seuil de la mesure de faible revenu au Québec[20].
Le plus faible temps de travail des femmes s’explique essentiellement par la prise en charge par les femmes d’une part plus grande d’activités non-rémunérées associées avec l’arrivée d’enfants dans le ménage[21].
Un partage des tâches domestiques toujours inégal
En 2022, les femmes québécoises consacraient toujours une heure de plus en moyenne que les hommes par jour à des tâches domestiques non rémunérées, les femmes effectuant 3,4h par jour contre 2,4h pour les hommes, comme on peut le constater dans le tableau 2. Il n’y a pas eu d’évolution significative depuis 2015, alors que les femmes réalisaient 3,5 h par jour de travaux domestiques non rémunérés, contre 2,5 h pour les hommes[22].
Les activités de travail non rémunéré comptabilisées par Statistique Canada comprennent les tâches ménagères, les soins des enfants de moins de 18 ans et d’autres adultes vivant dans le même ménage, ainsi que l’achat de biens ou de services. Cela exclut un certain nombre d’autres tâches davantage prises en charge par les femmes et relevant de ce qu’on appelle souvent la charge mentale ou le travail cognitif : anticiper les besoins, identifier les solutions, prendre des décisions et évaluer les progrès[23]. Cela comprend aussi plus concrètement la planification et l’organisation d’une foule d’activités : choisir l’école secondaire, prendre les rendez-vous médicaux, prévoir le menu des fêtes, identifier les cadeaux, faire la liste des choses à apporter en vacances[24].
Les activités de travail non rémunéré sont celles pour lesquelles l’écart dans l’emploi du temps entre les femmes et les hommes est le plus important à 1h de plus par jour, tout juste avant le travail rémunéré, pour lequel les hommes consacrent en moyenne 0,8h de plus par jour.
Tableau 2 : Heures consacrées par jour à certaines activités, femmes et hommes de 15 ans et plus, au Québec en 2022
Source : Statistique Canada, tableau : 45-10-0104-01
Il est par ailleurs intéressant de s’attarder à la répartition inégale des activités non rémunérées par tranche d’âge, ainsi qu’à la comparaison entre le temps consacré à ces activités au Québec et au Canada, telles qu’illustrées à la figure 3[25]. Deux constats principaux peuvent être dégagés de ces comparaisons. D’abord, les Canadiennes et les Canadiens consacrent plus de temps au travail non rémunéré que les Québécoises et les Québécois. Cela pourrait être expliqué par les politiques familiales québécoises, particulièrement par le réseau des services de garde éducatifs à la petite enfance. Ensuite, l’écart entre les femmes et les hommes se réduit avec l’âge, les femmes réduisant les heures consacrées à ces activités, alors que les hommes y accordent plus de temps. Ici, l’explication la plus évidente serait que les femmes plus jeunes consacrent plus de temps que les hommes à ces tâches pour s’occuper des enfants, au détriment des activités de travail rémunéré. Le salaire plus faible des femmes et la persistance des stéréotypes sont deux facteurs explicatifs du choix fait par les ménages.
Figure 3 : Heures consacrées par jour aux activités de travail non rémunéré, femmes et hommes de diverses tranches d’âge, au Québec et au Canada en 2022
Source : Statistique Canada, tableau : 45-10-0104-01
À ce titre, les données indiquent que les femmes québécoises consacrent davantage de temps au travail rémunéré que les Canadiennes à mesure qu’elles vieillissent jusqu’à ce qu’elles atteignent 55 ans, comme on le constate dans la figure 4[26]. En outre, on constate que le travail rémunéré des femmes québécoises dépasse même légèrement celui des hommes dans la tranche d’âge des 45 à 54 ans, de 0,1h, alors qu’elles effectuent toujours 0,8h de plus en travail non rémunéré.
Figure 4 : Heures consacrées par jour aux activités de travail rémunéré, femmes et hommes de diverses tranches d’âge, au Québec et au Canada en 2022
Source : Statistique Canada, tableau : 45-10-0104-01
La prise en charge inégale des responsabilités liées aux soins des enfants n’explique pas toutes les différences en termes de partage des tâches. En effet, les tâches domestiques demeurent réparties de façon inéquitable dans toutes les tranches d’âge et dans toutes les configurations familiales, incluant les ménages sans enfants[27]. Du reste, le partage des tâches ménagères et domestiques demeure genré. Au Québec, les femmes assument davantage de tâches liées aux repas, au lavage, au ménage, aux courses et à la vie sociale de la famille, alors que les hommes s’occupent davantage des travaux extérieurs, de l’entretien de la maison, des réparations de la voiture et de la gestion des matières résiduelles[28].
Par ailleurs, il convient de rappeler que les données sur l’emploi du temps représentent des moyennes qui ne sont pas un reflet de la réalité de tous les ménages. Les données de l’Enquête québécoise sur la parentalité réalisée en 2022 nous indiquent par exemple que 42,2% des femmes et 62,2% des hommes considèrent que les responsabilités familiales sont partagées à parts égales ou presque[29]. Malgré cet écart de perception important, cela témoigne tout de même d’une part importante de situations où le partage des tâches est égalitaire.
Enfin, le partage inégal des tâches non rémunérées a certes un impact sur les revenus des femmes et sur leurs perspectives professionnelles, mais il en a également sur la santé et sur les conditions de vie des femmes. Comme on le constate dans le tableau 3, les femmes sont davantage susceptibles que les hommes (+4,7 points de pourcentage) de percevoir une forte pression liée au manque de temps. Certains groupes sont particulièrement affectés : 24,5% des femmes de 25 à 54 ans et 16,7% des hommes du même groupe d’âge subissent une telle pression. Bien que plusieurs données doivent être traitées avec prudence, on constate que les femmes de tous les groupes ressentent plus de pression que leurs homologues masculins.
Tableau 3 : Proportion de la population percevant une forte pression liée au manque de temps, Québec, 2015
* Coefficient de variation entre 15 % et 25 % ; interpréter avec prudence.
** Coefficient de variation entre 25 % et 33 % ; estimation imprécise, fournie à titre indicatif seulement.
F Coefficient de variation supérieur à 33 % ; donnée peu fiable, ne peut être diffusée.
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale de 2015 et Institut de la Statistique du Québec
Le partage du congé parental
Les dernières bonifications au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) semblent avoir eu un effet positif à plusieurs égards, notamment pour le partage du congé parental entre les parents. Le dernier profil des prestataires du RQAP disponible brosse le portrait des prestataires pour 2021.
Cette année-là, on assiste à une hausse significative de la participation des familles au RQAP, soit 92% par rapport au taux de 89% enregistré en 2020. Il faut toutefois mentionner que la pandémie a eu de nombreux impacts sur la participation, notamment en raison de « la diminution de nouveaux arrivants en 2020 qui a affecté à la baisse le nombre de parents non admissibles et, d’autre part, la prestation minimale temporaire de 500 $ qui a augmenté l’incitatif à demander des prestations chez certaines catégories de prestataires à plus faible revenu »[30].
En 2021, pour 72% des nouvelles naissances couvertes par le régime, les deux parents reçoivent des prestations, incluant les prestations de maternité (entre 15 et 18 semaines selon le régime choisi), les prestations de paternité/exclusives au parent qui n’a pas donné naissance (entre 3 et 5 semaines selon le régime choisi) ainsi que les prestations partageables entre les parents (entre 25 et 32 semaines selon le régime choisi)[31].
Parmi ce groupe où les deux parents vont recevoir des prestations, voici comment se partage le congé parental de 25 à 32 semaines entre les deux parents en 2021:
- Dans 63% des ménages, 100% des prestations vont à la mère;
- Dans 2% des ménages, 100% des prestations vont à l’autre parent;
- Dans 35% des ménages, les prestations sont partagées.
Cette dernière catégorie a connu une hausse de 8 points de pourcentage en seulement un an, une situation que l’on peut au moins attribuer en partie à l’octroi de semaines de prestations supplémentaires (3 à 4 selon le régime) dès lors qu’un minimum de semaines partageables ont été payées aux deux parents.
Dans l’ensemble, les données de 2021 témoignent d’une augmentation significative du nombre de semaines de prestations des pères et des parents n’ayant pas donné naissance pour atteindre 9,7 semaines. Par ailleurs, dans une présentation des données du rapport établissant le profil des prestataires en 2022, on apprend que la tendance se poursuit, comme on le constate dans la figure 5. Alors que le nombre de semaines de prestations des mères se maintient dans le temps, à 45,2 semaines en moyenne, le nombre moyen de semaines prises par le père ou l’autre parent atteint 10,3 semaines[32]. Cette tendance à la hausse enclenchée suite à la réforme de 2020 succède à de nombreuses années de stagnation. La réduction de l’écart dans la prise de congé entre les parents est encourageante. D’une part, les bienfaits de la présence et de l’engagement des pères pour le développement des enfants est bien documenté[33]. D’autre part, cela leur permet de s’approprier des soins et des tâches pouvant conduire à partage durable et équitable des tâches domestiques entre les femmes et les hommes.
Figure 5 : nombre moyen de semaines de prestations utilisées, au Québec, de 2006 à 2022
Sources : Tiré de la présentation d’Étienne Poulin et Marie-Josée Dutil lors de la Matinée RQAP 2024
Les inégalités en lien avec le travail poursuivent les femmes à la retraite
Parce que leur rémunération globale est moins élevée que celle des hommes pendant leur carrière, les retraitées québécoises disposent généralement de revenus moindres à la retraite. Dans une étude réalisée en 2017, le Conseil du statut de la femme indiquait que les femmes âgées de 65 ans et plus disposaient en moyenne de 66% du revenu des hommes[34]. Cela s’explique par un nombre plus important de femmes vivant seules, par des prestations plus faibles du Régime des rentes du Québec (moins de femmes ont cotisé et leurs prestations sont plus faibles) et par des rentes des régimes de retraite privés moins élevées que celles des hommes.
Qu’en est-il des perspectives pour les travailleuses actuelles? En 2020, les femmes étaient toujours moins nombreuses que les hommes à participer au Régime des rentes du Québec (RRQ), soit 57% d’entre elles contre 63,5% des hommes[35]. Toutefois, elles étaient en 2020 plus nombreuses que les hommes à cotiser au RRQ chez les 24 ans et moins. Dans toutes les tranches d’âge, leurs gains réels et admissibles demeurent inférieurs à ceux des hommes. En moyenne, les gains admissibles sont de 35 588$ pour les femmes et 39 835$ pour les hommes, un écart de 11%.
Quelles perspectives pour la réduction des écarts de salaire?
Ce bref survol de certaines des inégalités socioéconomiques entre les femmes et les hommes permet de constater que d’importantes avancées ont été réalisées depuis les dernières années, mais qu’il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre l’équité.
Nous avons évoqué plusieurs facteurs qui expliquent ces écarts : les choix différents que font les femmes pour leur éducation et leur carrière, la présence plus importante de femmes dans des emplois moins bien rémunérés, l’impact de la maternité sur leur carrière, une plus grande prise en charge des responsabilités familiales et la persistance de stéréotypes.
Par ailleurs, plusieurs autres aspects mériteraient d’être abordés afin de présenter un portrait plus complet des inégalités économiques entre les femmes et les hommes, dans une perspective intersectionnelle. Pensons notamment aux inégalités de patrimoine, le fait de posséder ou non une propriété[36], aux impacts de la pandémie sur le travail des femmes[37], aux barrières pour accéder à certains secteurs professionnels ainsi qu’à la proche aidance.
Finalement, diverses perspectives méritent d’être examinées afin de combler les inégalités entre les femmes et les hommes. La valeur du travail non rémunéré des femmes et des hommes représentait 860,2 milliards de dollars au Canada en 2019, et équivalait à 37,2% du produit intérieur brut. C’est davantage que plusieurs secteurs économiques réunis, tels que la fabrication, le commerce de gros et le commerce de détail[38]. Il serait intéressant d’analyser les retombées d’une meilleure reconnaissance de cette contribution dans divers instruments de politique publique.
L’introduction de nombreuses autres politiques publiques, notamment le développement des centres de la petite enfance, la Loi sur l’équité salariale et le RQAP, tout comme les politiques de conciliation travail-famille-vie personnelle dans les milieux de travail, ont eu un effet positif sur la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes au cours des dernières décennies[39]. Des améliorations à ces éléments de politique pourraient également être considérées. Plusieurs pays de l’OCDE affichent un écart salarial entre les femmes et les hommes moindre que le Québec[40] et pourraient nous inspirer certaines innovations.
Références
[1] Éducaloi, Loi sur l’équité salariale : où en est-on, 25 ans après?
[2] Conseil du statut de la femme (2024), L’égalité entre les femmes et les hommes. Regard sur 50 ans d’évolution au Québec, p. 69.
[3] Conseil du statut de la femme (2024), L’égalité entre les femmes et les hommes. Regard sur 50 ans d’évolution au Québec, pp. 67-68.
[4] Julien, Mélanie (2023), Les femmes immigrantes au Québec. Aperçu de la situation.
[5]Luc Cloutier-Villeneuve (2023), Tendances historiques de l’évolution des écarts de rémunération horaire f-h au Québec : bilan selon les grands groupes professionnels et autres perspectives, présentation dans le cadre du Colloque « L’égalité entre les femmes et les hommes au Québec : entre avancées et enjeux persistants », 90e édition du Congrès de l’ACFAS.
[6] Ruth Rose-Lizée (2023), Persistance des écarts salariaux : une analyse selon la profession et la scolarité, présentation dans le cadre du Colloque « L’égalité entre les femmes et les hommes au Québec : entre avancées et enjeux persistants », 90e édition du Congrès de l’ACFAS.
[7]Luc Cloutier-Villeneuve (2023), Tendances historiques de l’évolution des écarts de rémunération horaire f-h au Québec : bilan selon les grands groupes professionnels et autres perspectives, présentation dans le cadre du Colloque « L’égalité entre les femmes et les hommes au Québec : entre avancées et enjeux persistants », 90e édition du Congrès de l’ACFAS.
[8] Voir la publication de l’Observatoire québécois des inégalités: Geoffroy Boucher (2023), Le revenu d’emploi des parents est-il affecté par la naissance d’un enfant?, qui résume les constats de Marie Connolly, Marie Mélanie Fontaine, et Catherine Haeck (2018), État des lieux sur les écarts de revenus entre les parents et les femmes et hommes sans enfant au Québec et dans le reste du Canada, Rapport de projet 2018RP-07, CIRANO.
[9] Conseil du statut de la femme (2024), L’égalité entre les femmes et les hommes. Regard sur 50 ans d’évolution au Québec, p. 67
[10] Institut de la statistique du Québec, Qualité de l’emploi, Vitrine statistique sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
[11] CNESST, C’est quoi l’Équité salariale?
[12] Institut de la statistique du Québec. Nombre d’entreprises actives au Québec.
[13] Soit la présence d’au moins une personne rémunérée dans l’entreprise.
[14] Institut de la statistique du Québec, Travail autonome, Vitrine statistique sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
[15] Conseil du statut de la Femme (2023), Portrait des Québécoises, Pouvoir et influence.
[16] Conseil du statut de la femme (2024), L’égalité entre les femmes et les hommes. Regard sur 50 ans d’évolution au Québec, p.68
[17] Ruth Rose-Lizée (2023), Persistance des écarts salariaux : une analyse selon la profession et la scolarité, présentation dans le cadre du Colloque « L’égalité entre les femmes et les hommes au Québec : entre avancées et enjeux persistants », 90e édition du Congrès de l’ACFAS.
[18] Mamadou Diallo (2024), Les mieux nantis au Québec et au Canada : portrait et évolution
[19] Institut de la statistique, Rémunération hebdomadaire, Vitrine statistique sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
[20] Institut de la statistique, Personnes en situation de faible revenu, Vitrine statistique sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
[21] Ruth Rose-Lizée (2023), Persistance des écarts salariaux : une analyse selon la profession et la scolarité, présentation dans le cadre du Colloque « L’égalité entre les femmes et les hommes au Québec : entre avancées et enjeux persistants », 90e édition du Congrès de l’ACFAS
[22] Institut de la statistique, Emploi du temps, Vitrine statistique sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
[23] Daminger, A. (2019). The Cognitive Dimension of Household Labor. American Sociological Review, 84(4), 609-633.
[24] Carolle-Anne Tremblay-Levasseur (2023), Si vous aimez la magie de Noël, remerciez les femmes…, Radio-Canada.
[25] Il faut noter que les données pour la tranche d’âge des 25 à 34 ans au Québec sont à utiliser avec prudence, d’où l’utilité de la comparaison avec les données à l’échelle canadienne qui ne présentent pas cette lacune tout en affichant une tendance similaire.
[26] Encore ici, les données pour la tranche d’âge des 25 à 34 ans au Québec sont à utiliser avec prudence.
[27] Voir à ce sujet : Conseil du statut de la Femme (2022), Portrait des Québécoises, La situation familiale, et Statistique Canada (2022), Estimation de la valeur économique du travail ménager non rémunéré au Canada, 2015 à 2019.
[28] Institut de la statistique du Québec (2023), Être parent au Québec en 2022. Un portrait à partir de l’Enquête québécois sur la parentalité 2022, p. 180.
[29] Institut de la statistique du Québec (2023), Être parent au Québec en 2022. Un portrait à partir de l’Enquête québécois sur la parentalité 2022, p. 176.
[30] Conseil de gestion de l’assurance parentale (2023), Profil des prestataires du Régime québécois d’assurance parentale 2021, p. 20.
[31] S’ajoutent également des prestations pour naissances multiples et pour parent seul. Voir le site du RQAP pour plus de détails.
[32] Étienne Poulin et Marie-Josée Dutil (2024), Les nouvelles mesures du RQAP, présentation lors de la Matinée RQAP 2024.
[33] Kathleen Couillard (2021), L’engagement paternel : quels impacts sur le développement des tout-petits?
[34] Conseil du statut de la Femme (2017), Les femmes et la retraite : perspectives pour elles du projet de réforme du Régime des rentes du Québec (mémoire).
[35] Retraite Québec (2024), Statistiques 2022, Régime des rentes du Québec.
[36] Voir notamment les publications de Geoffroy Boucher et Sandy Torres : Les inégalités de patrimoine au Québec (2023) et L’influence du patrimoine sur les inégalités sociales de santé (2024).
[37] À ce sujet, voir les publications d’Émilie Lessard-Mercier (2024), Transformations du marché du travail au Québec : un survol d’inégalités persistantes et émergentes, de Sandy Torres et Héloïse Michaud (2022), Les femmes moins nanties pendant la pandémie: répercussions, besoins et perspectives et du Conseil du statut de la femme (2022), Deux années de pandémie : quels effets sur la situation économique des femmes?
[38] Statistique Canada (2022), Estimation de la valeur économique du travail ménager non rémunéré au Canada, 2015 à 2019 et publication associée.
[39] Conseil du statut de la femme (2024), L’égalité entre les femmes et les hommes. Regard sur 50 ans d’évolution au Québec.
[40] Voir le Tableau de bord de l’OCDE sur les écarts entre les genres, section emploi.