Thème: Économie
Publié le 18 avril 2023
La deuxième édition de la Journée Lumières sur les inégalités de l’Observatoire québécois des inégalités s’est penchée sur le thème du coût de la vie. Certains éléments ont particulièrement retenu notre attention parmi la richesse des contenus et des échanges et continueront à nourrir notre réflexion dans les mois à venir.
Des politiques publiques renforcées pour assurer une sortie de la pauvreté
En 2022, la crise du logement et l’inflation ont engendré une hausse significative du coût de la vie. Mais cela ne doit pas nous faire oublier que les personnes qui ont recours aux programmes d’aide et de solidarité sociale, d’allocations publiques de retraite et d’autres mesures gouvernementales se trouvaient déjà dans une position très vulnérable face à la hausse des prix. Par exemple, l’aide sociale pour les personnes seules sans contraintes à l’emploi ne permet de combler que la moitié de la mesure officielle du panier de consommation.
Selon plusieurs intervenant·es, la croissance des revenus des 20% de la population disposant des revenus les plus faibles devrait être envisagée dans le cadre du prochain plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, que ce soit via les programmes d’aide et de solidarité sociale et la détermination du salaire minimum. Le défi est de taille : inspirer un virage par rapport à l’approche du dernier budget provincial qui, malgré quelques bonifications et mesures d’indexation, ne semble pas permettre de soulager le quotidien des personnes les moins nanties, notamment dans un contexte de crise du logement. L’augmentation de l’offre de 1500 nouvelles unités, bien que nécessaire, ne sera pas suffisante pour combler les besoins des 177 000 ménages qui ont actuellement un besoin impérieux de logement.
Un risque d’endettement à la hausse
Le taux d’épargne des ménages, qui a connu une forte croissance pendant la pandémie, est redescendu et plusieurs intervenant·es craignent une hausse de l’endettement pour faire face à la montée des prix. Les taux d’intérêt élevés compliquent la vie des personnes qui doivent s’endetter que ce soit pour combler leurs besoins essentiels, pour acquérir un nouveau véhicule ou encore renouveler leur hypothèque. La situation pourrait empirer dans les mois à venir et conduire un plus grand nombre de personnes vers la faillite.
Accroître la contribution des entreprises et des mieux nantis
Comme ce fut le cas durant la pandémie de COVID-19, certaines populations sont plus affectées que d’autres. Certaines entreprises profitent de la situation, en effet, dans le contexte actuel, il est question d’avarice-flation. Une étude publiée en 2022 a démontré que les profits des grandes entreprises canadiennes ont atteint des records inégalés depuis les années 1960. On sait aussi que la hausse de prix appliquée par ces entreprises est causée à 50% par une augmentation des bénéfices (au lieu de 11% en temps normal), tandis que la proportion de l’augmentation des salaires est inférieure à la normale (8% par rapport à 60%).
Des solutions fiscales ont été évoquées tout au long de la journée afin d’accroître les ressources disponibles pour la redistribution. Les participant·es ont particulièrement insisté sur la nécessité d’imposer davantage les actifs et les profits car une redistribution progressive peut aussi générer des retombées plus favorables pour la collectivité.
Miser sur un cercle vertueux ancré dans les communautés ?
Effectivement, les dollars destinés aux besoins de base tels que se loger ou se nourrir circulent souvent davantage dans l’économie locale et nous rendent plus riches collectivement.
D’autres mesures, comme une tarification progressive de l’électricité ou la gratuité de certains services, comme le transport en commun ou l’éducation, permettraient aux personnes moins nanties de dégager des marges de manœuvre et de se forger un avenir meilleur.
Des changements d’approche pourraient faire une différence
Les mesures d’écofiscalité pourraient se multiplier dans les prochaines années afin d’aider la société à s’adapter aux changements climatiques et à réduire les gaz à effet de serre. Toutefois, plusieurs des mesures incitatives actuelles profitent rarement aux personnes moins nanties qui sont plus souvent locataires et n’ont pas les moyens d’acheter les véhicules les moins polluants. On notera d’ailleurs que les personnes à faible revenu qui génèrent le moins d’émissions de gaz à effet de serre, alors qu’elles sont plus vulnérables face aux changements climatiques.
On a abordé à plusieurs reprises lors de cette journée le cas des personnes défiscalisées qui, faute de remplir des déclarations d’impôt, ne reçoivent pas les crédits auxquels elles ont pourtant le droit. Plusieurs ont suggéré de retirer l’obligation de produire les déclarations pour avoir droit aux crédits.
Plusieurs autres propositions ont été évoquées : mise en place d’allocations alimentaires, repas gratuits dans les écoles, bonification du financement à la mission des organisations communautaires, reconstruction des services publics, protection des logements de la spéculation immobilière.
Des mesures qui tiennent compte de l’ADS+
Enfin, la journée d’études consacrée au coût de la vie nous aura permis de constater à quel point il est nécessaire d’imaginer les politiques publiques sous l’angle de l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle.
Face à la hausse des prix, les mesures doivent tenir compte, par exemple, de la situation particulière des personnes autochtones vivant en milieu urbain – dont 20% sont en situation d’itinérance –, de la réalité des personnes vivant en milieu rural pour qui la mobilité est essentielle à l’amélioration des conditions de vie, des personnes aînées dont un nombre croissant se trouve en situation de pauvreté, des travailleuses et travailleurs migrants temporaires, des femmes qui prennent en charge certaines tâches afin de réduire l’empreinte écologique des ménages ou de couper dans les dépenses.
La meilleure façon d’imaginer des solutions pour augmenter les ressources à la disposition des personnes en situation de pauvreté est d’inclure ces personnes au cœur même de ce processus, tout en tenant compte de la plus grande diversité des situations.