Sommes-nous égaux face à la hausse du coût de la vie?

Publié le 7 mars 2023

Mars 2023

En 2022, l’indice des prix à la consommation – qui mesure la variation des prix des biens et services consommés par les ménages – a affiché sa plus forte augmentation depuis 1982 au Québec, enregistrant une croissance de 6,7 % par rapport à 2021. [1] Face à cette hausse des prix marquée, de nombreuses personnes ont dû ajuster leurs habitudes de dépenses et leur mode de vie.[2]
Si l’augmentation du coût de la vie affecte tout le monde, certains groupes de la société sont touchés plus durement. Alors que les comportements de consommation d’une personne dépendent, entre autres, de son revenu, de son âge, de la composition de son ménage et de son lieu de résidence, la hausse généralisée du coût de la vie cache des réalités fort différentes.

Des répercussions disproportionnées chez les moins nantis

Les plus fortes hausses de prix au Québec en 2022 ont été enregistrées au niveau des transports (+11,0 %), des aliments (+9,2 %) et du logement (+6,1 %). Puisque ces dépenses occupent une part plus importante du budget des familles les plus pauvres, celles-ci subissent un effet disproportionné de la hausse du coût de la vie.

En effet, alors que les ménages appartenant au quintile inférieur de la distribution des revenus – soit les 20% les plus pauvre de la population – consacrent le tiers (32%) de leurs dépenses au logement, ceux au sommet de la distribution n’y dédient que 17%, soit près de la moitié moins. Au niveau de l’alimentation, c’est un écart de 8 points de pourcentage qui sépare la part des dépenses consacrée à ce besoin essentiel chez les moins nantis en comparaison aux mieux nantis.

Tableau 1. Part des dépenses moyennes des ménages dédiées à certaines catégories de dépense
selon le quintile de revenu du ménage, Québec (2019)

Part des dépenses moyennes des ménages dédiées à certaines catégories de dépense selon le quintile de revenu du ménage, Québec (2019)

 

Source : Statistique Canada. Tableau 11-10-0223-01 Dépenses des ménages selon le quintile de revenu du ménage, Canada, régions et provinces. [EN LIGNE].

Cette situation s’inscrit dans une tendance à l’effritement du pouvoir d’achat des ménages à faible revenu. En effet, alors que le coût du panier de consommation type de ces ménages augmente plus rapidement que le coût des biens et services que consomment les familles plus fortunées [3] , leur revenu, lui, augmente à un rythme plus faible. En 20 ans, les ménages appartenant au quintile le plus pauvre ont vu leur revenu après impôt augmenter de 30,7 %, contre une hausse de 43,1 % pour le quintile des plus riches.

Figure 1. Évolution du revenu après impôt moyen des ménages pour le quintile supérieur et le quintile intérieur de revenu au Québec, 1999-2019, en dollars constants de 2020

évolution du revenu après impôts

 

Source : Statistique Canada, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (1996-2011) et Enquête canadienne sur le revenu (2012-2020), fichiers maîtres. Adapté par l'Institut de la statistique du Québec. [EN LIGNE].

Cette disparité est également accentuée par les inégalités de patrimoine. Les ménages disposant d’un important patrimoine peuvent, au besoin, puiser dans celui-ci pour financer leur consommation lorsqu’ils font face à une importante hausse du coût de la vie. La situation est tout autre pour les ménages qui disposent d’un patrimoine limité.

Des disparités régionales peu documentées

Bien que le lieu de résidence soit l’un des principaux facteurs influençant les comportements de consommation des ménages, peu de données permettent de mesurer les inégalités découlant de la hausse du coût de la vie à travers les différentes régions du Québec.

En effet, l’indice des prix à la consommation (IPC) est calculé en fonction des régions métropolitaines de recensement (RMR), une unité géographique formée d’une ou de plusieurs municipalités adjacentes regroupées autour d’un noyau d’au moins 100 000 habitants. Or, Statistique Canada ne publie l’IPC de seulement deux RMR au Québec, soit Québec et Montréal. La valeur moindre du taux de croissance de l’IPC dans les RMR de Québec (+6,3 %) et de Montréal (+6,6 %) par rapport au taux de croissance de l’IPC pour l’ensemble de la province du Québec (+6,7 %) laisse toutefois entrevoir une augmentation plus marquée du coût de la vie ailleurs au Québec.

Tableau 2. Variation annuelle de l’indice des prix à la consommation, Québec (2022)

Variation annuelle de l’indice des prix à la consommation

Source : Statistique Canada. Tableau 18-10-0005-01 Indice des prix à la consommation, moyenne annuelle, non désaisonnalisé. [EN LIGNE].

Afin de mettre en lumière les variations du coût de la vie entre régions de tailles diverses au Québec, la mesure de panier de consommation (MPC) peut être mobilisée. Cette mesure établit le coût d’un panier de biens et de services correspondant à un niveau de vie de base modeste dans 52 régions du Canada. Elle est retenue, depuis 2019, comme le seuil officiel de la pauvreté au Canada. Contrairement à l’IPC qui est calculé sur une base mensuelle, la MPC est calculée sur une base annuelle et sa mesure officielle est publiée avec un décalage d’un an. Par exemple, ce n’est qu’en janvier 2024 que nous connaitrons les seuils annuels de la MPC de 2022.

En 2021, le seuil de la MPC s’est accru de 3,5 %dans les régions rurales et les régions urbaines de moins de 30 000 habitants du Québec, alors qu’elle a augmenté de 3,3 % dans la RMR de Québec et de 3,2% dans la RMR de Montréal. Cet écart témoigne d’une certaine disparité régionale de la hausse du coût de la vie, mais ne dresse pas un portrait juste de cette disparité. En effet, l’ajustement des seuils de la MPC se base en partie sur la variation de l’IPC qui – rappelons-le – a lui-même pour unité géographique les régions métropolitaines de recensement. D’ailleurs, dans un document de recherche sur la MPC datant de 2022, Statistique Canada reconnaissait qu’un ajustement de la MPC pour tenir compte des coûts plus élevés auxquels font face les familles vivant dans des régions ou collectivités éloignées devrait être examiné.[4]

Tableau 3. Variation annuelle de panier de consommation, Québec (2021)

Variation annuelle de panier de consommation

 

Source : Statistique Canada. Tableau 18-10-0005-01 Indice des prix à la consommation, moyenne annuelle, non désaisonnalisé. [EN LIGNE].

D’autres types de données ne provenant pas de grandes enquêtes statistiques – tels que les taux de croissance du nombre de visites aux programmes de dépannage alimentaire – peuvent apporter un éclairage complémentaire sur les disparités régionales face aux variations de coût de la vie. Par exemple, le Bilan-Faim 2022 des Banques alimentaires du Québec révélait que les « membres Associés » de l’organisation étaient ceux qui avaient connu la plus grande hausse d’achalandage entre 2022 et 2021. Ces membres Associés sont des organismes offrant des services d’aide alimentaire dans une région non couverte par un « membre Moisson » [5] . Ils sont situés en majorité dans les régions éloignées des grands centres, comme sur la Côte-Nord, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.

Ces données doivent toutefois être interprétées avec prudence, car elles rendent compte de réalités qui dépassent le concept de coût de la vie. Dans le cas illustré ci-bas, le nombre de visites aux programmes de dépannage alimentaire dépend de nombreux facteurs, notamment des défis d’approvisionnement auxquels font face les organismes prestataires de ces services.

Figure 2. Variation annuelle du nombre de visites aux programmes de dépannage alimentaire des Banques alimentaires du Québec, 2022 par rapport à 2021

 Variation annuelle du nombre de visites aux programmes de dépannage alimentaire

 

Note : La donnée pour Moisson Vallée Matapédia n’était pas disponible en 2021. L’organisme n’a donc pas été inclus.
Source : Les Banques alimentaires du Québec (2022). Bilan-Faim 2022. Statistiques compilées du 1er au 31 mars 2022. [EN LIGNE].

Une journée d’études sur le coût de la vie

Alors qu’on apprenait cette semaine que plus d’une personne sur quatre (26 %) au Canada n’avait pas les moyens d’assumer une dépense inattendue de 500 $, 6 la hausse marquée du prix des biens et services auxquels font présentement face les ménages québécois est particulièrement inquiétante. D’autant plus que certains groupes de la société, notamment les ménages à faible revenu et ceux habitant en région éloignée, mais également les femmes, les jeunes et les personnes racisées, sont touchés de manière disproportionnée.[7]

La question de la hausse du coût de la vie et de son impact différencié sur certains groupes de la société fera l’objet d’une journée d’études organisée par l’Observatoire québécois des inégalités en partenariat avec Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent. La journée Lumières sur le coût de la vie se tiendra le 4 avril 2023 à l’Université Laval et mobilisera divers acteurs et actrices des milieux universitaire, communautaire, politique et de la société civile. Pour poursuivre cette réflexion, nous vous invitons à y participer.

L’inscription est gratuite!


Références et notes

[1 ]Statistique Canada (2023). Indice des prix à la consommation : revue annuelle, 2022. [En ligne].

[2] Statistique Canada (2022). La hausse des prix a une incidence sur la capacité de la plupart des Canadiens à assumer leurs dépenses quotidiennes. [En ligne].

[3] Pierre-Antoine Harvey et Minh Nguyen (2020). L’inégalité face à l’inflation : ne croissance du coût de la vie selon les revenus des familles. Montréal : Institut de recherche et d’informations socioéconomiques. [En ligne].

[4] Benjamin Wesley et al. (2022). Document de recherche sur la mesure fondée sur un panier de consommation : Indice de pauvreté. Ottawa : Statistique Canada. [En ligne].

[5] Les Banques alimentaires du Québec représentent un large réseau d’organismes indépendants, dont 19 membres Moisson et 13 membres Associés. Les membres Moissons, tel que Moisson Montréal et Moisson Beauce, siègent au conseil des membres de l’organisation et disposent de sièges réservés sur le conseil d’administration.

[6] Statistique Canada (2023). Au Canada, une personne sur quatre n'a pas les moyens d'assumer une dépense inattendue de 500 $. [En ligne].

[7] Ibidem.

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