Transformations du marché du travail au Québec: un survol d’inégalités persistantes et émergentes

Publié le 1 mai 2024

La vigueur de l’emploi observée au Québec à la suite de la période pandémique masque-t-elle des inégalités au travail? L’Observatoire soulève la question à la lumière de la situation récente du marché du travail.

Faits saillants

La vigueur de l’emploi ne garantit pas la qualité de l’emploi

  • Avec un taux de chômage de 4,5 % en 2023 au Québec, le marché du travail paraît caractérisé par le plein emploi et une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs (des tendances déjà présentes avant la pandémie).
  • La part de l’emploi atypique dans l’emploi total a considérablement augmenté dans les dernières décennies pour s’établir à 32,5 % en 2022.
  • Le travail atypique touche désormais une diversité de travailleurs et travailleuses et peut constituer une source de précarisation.
  • La précarité se caractérise par l’insécurité (ressentie ou tangible) du lien d’emploi, par le peu de contrôle des conditions de travail, par une moindre rémunération ainsi que par de faibles couvertures sociale et juridique.
  • Pour combler les besoins de main-d’œuvre, les gouvernements se tournent de plus en plus vers l’immigration temporaire. Le permis de travail fermé octroyé dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) rend particulièrement vulnérable aux abus de la part de l’employeur.

L’accès au télétravail est une source d’inégalités

  • À la suite des périodes de confinement de 2020-2021, la pratique du télétravail jusque-là marginale s’est généralisée : 1 travailleur ou travailleuse sur 5 a adopté le télétravail pour la majorité de ses heures de travail au Québec. Cette part grimpe à 1 sur 3 en tenant compte des personnes qui travaillent à domicile seulement une partie de leur temps de travail.
  • La pratique du télétravail tend à renforcer les inégalités entre les sexes. La principale raison? Un dédoublement plus fréquent chez les femmes des tâches relatives au travail rémunéré et des tâches domestiques. Il en découle un empiétement des deux sphères qui peut générer des risques pour la santé mentale.
  • Le télétravail peut toutefois amener des avantages pour concilier le travail et la vie personnelle ou de famille auxquels tous et toutes n’ont pas accès également selon la nature de leur emploi. Par exemple, dans le secteur des services à la personne, les emplois sont difficilement transposables en télétravail.
  • Selon une étude canadienne, les femmes immigrantes faiblement scolarisées étaient les moins susceptibles de télétravailler en raison de la pandémie de COVID-19 (12 %), tandis que les hommes natifs et détenteurs d’un baccalauréat avaient la plus forte probabilité d’accès au télétravail (49 %).
  • De plus, les conditions dans lesquelles le télétravail est effectué (ex. espace dédié, équipement, ressources) tendent à favoriser les personnes ayant des statuts plus élevés dans les organisations.

De nouvelles inégalités sont à surveiller

  • Les difficultés de recrutement dans certains domaines incitent de plus en plus d’organisations à recourir au personnel des agences de placement. Les conséquences négatives de ce phénomène sont bien connues dans le secteur de la santé, où une intervention législative s’est avérée nécessaire pour l’encadrer. Or ce recours s’accroît dans les services de garde à l’enfance, les centres jeunesse et la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Cela génère des inégalités entre le personnel du milieu de travail et celui des agences qui bénéficie notamment d’une plus grande flexibilité d’horaire.
  • Nombre d’emplois se transforment sous les effets de la numérisation, de l’automatisation et de l’arrivée de l’intelligence artificielle. Ces modifications des emplois comportent des risques d’accentuation des inégalités socioéconomiques. Les personnes peu qualifiées et ayant les plus bas salaires sont les plus à risque de perdre leur emploi et les moins aptes à occuper les emplois créés par le développement de l’IA.
  • Le personnel de soutien de bureau (ex. réceptionnistes, agent·es) occupe les types d’emplois les plus exposés au risque de transformation liée à l’automatisation : 36 % de ces travailleuses et travailleurs font face à un risque élevé d’automatisation de leurs tâches, alors que cela concerne 11 % des travailleurs et travailleuses au Canada.

Ainsi, la situation de plein emploi ne s’accompagne pas forcément d’une amélioration de la qualité des emplois et des conditions de travail. Les inégalités au travail ne s’en trouvent pas non plus nécessairement réduites.

 

Cet article a été rendu possible grâce à l’appui de Mission inclusion.

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