Publié le 3 mai 2023
Mise en contexte
La pandémie de COVID-19 a ébranlé le Québec entier, mais c’est à armes très inégales que ses populations ont affronté la crise sanitaire. Le niveau de revenu est un déterminant majeur des inégalités socioéconomiques et de santé. C’est pourquoi l’Observatoire québécois des inégalités s’est penché sur ce qui favorisait ou au contraire affectait la résilience des foyers à faible ou modeste revenu face à cette crise inédite.
Le Projet résilience a documenté les difficultés, les stratégies d’adaptation et les besoins pendant les deux premières années de pandémie auprès de Québécoises et Québécois dont les revenus se situent dans les 40% les moins élevés.
Aspects abordés : moyens de subsistance ou revenu, situation d’emploi, conditions de logement, vie sociale et état de santé.
Comment les 40 % les moins nantis ont-ils traversé les deux premières années de pandémie?
Après trois vagues de COVID-19, 2 personnes sondées sur 3 déclaraient éprouver des difficultés reliées à la pandémie : surtout pour leur santé (mentale ou physique) et leurs finances personnelles. [En savoir plus Les populations moins nanties pendant la pandémie : résultats de sondage]
- Les femmes vivant dans un foyer parmi les 40 % les moins nantis se montraient significativement plus préoccupées par leur santé mentale (42 %) que les hommes sondés (32 %). Ce résultat est à mettre en relation avec la charge mentale découlant du travail domestique invisible qui leur incombe davantage, mais aussi avec leur prédominance dans la santé, l’éducation et les services et avec leur surreprésentation dans les emplois à bas salaire. [En savoir plus Les femmes moins nanties pendant la pandémie : répercussions, besoins et perspectives]
- Quatre immigrantes et immigrants sondés sur dix faisaient état de difficultés en matière de santé physique, invitant à se questionner sur leur accès aux services de santé, sur leurs conditions d’emploi ou de logement. D’ailleurs, 1 personne immigrante sur 2 (52 %) estimait que le coût de son logement dépassait sa capacité de payer. [En savoir plus Les personnes moins nanties issues de l’immigration pendant la pandémie : répercussions, besoins et perspectives]
- Les minorités étaient plus susceptibles de se sentir beaucoup ou assez isolées des autres d’après le sondage diffusé après plus d’un an de pandémie : c’était le cas de 41 % des personnes immigrantes, de 42 % des personnes s’identifiant à une minorité visible, de 47 % des allophones (langue première autre que le français ou l’anglais), de 47 % des anglophones, de 49 % des personnes en situation de handicap et de 51 % des personnes s’identifiant à la diversité sexuelle, contre 33 % pour l’ensemble des personnes à revenu faible ou modeste sondées.
- Le sentiment d’isolement social semblait également associé à une situation économique précaire, puisque près de la moitié des personnes se sentant isolées (48 %) se déclaraient préoccupées par leurs finances personnelles, contre 28 % des personnes se sentant peu ou pas du tout isolées. [En savoir plus Isolement social, pandémie et politiques publiques]
- Les personnes sondées s’identifiant comme membres des Premières Nations de l’Amérique du Nord, Métis ou Inuit étaient plus susceptibles d’éprouver des difficultés à la fin de la troisième vague de COVID-19, concernant par exemple leurs finances personnelles, l’achat de nourriture en quantité ou en qualité suffisante ou leur santé mentale. Elles se distinguaient aussi par un recours plus fréquent au soutien de leur communauté. [En savoir plus Les personnes autochtones moins nanties pendant la pandémie : répercussions, besoins et perspectives]
Les gouvernements ont consenti des aides financières inédites pour pallier la baisse de l’activité économique liée aux restrictions sanitaires puis la poussée de l’inflation. Malgré ces aides, le manque de ressources financières est demeuré un obstacle persistant en contexte pandémique pour la plupart des personnes moins nanties suivies en entrevue. Celles-ci qui ont dû trouver d’autres ressources pour subvenir à leurs besoins de base, comme leur épargne, le crédit, un prêt d’argent ou autres aides de l’entourage, ou encore le dépannage alimentaire.
L’étude a aussi mis en évidence diverses manifestations de résilience en contexte pandémique, même dans les cas de vulnérabilités multiples :
- L’utilisation de stratégies d’adaptation diverses comme la réduction des dépenses courantes, la réorganisation du budget familial, l’implication dans sa communauté pour briser l’isolement ou se sentir utile, ou encore la pratique de sports et de passe-temps.
- Le recours à du soutien : les personnes qui recourent à des ressources notamment communautaires ou qui obtiennent de l’aide, financière ou morale, se montrent plus résilientes que celles qui n’y parviennent pas, qui n’en cherchent pas ou encore qui ne souhaitent pas le faire.
- La capacité à prendre du recul par rapport au vécu de la pandémie et à tirer des apprentissages qui peuvent mener à des améliorations ou à des adaptations. [En savoir plus Les populations moins nanties pendant la pandémie : résultats du suivi longitudinal]
Que retenir du projet?
- La période pandémique a révélé et exacerbé des inégalités sociales, économiques et de santé qui marquent la société québécoise. Avenue : réduire durablement les inégalités en améliorant les conditions de vie des 40 % les moins nantis. Parmi les pistes de solutions qui se dégagent des témoignages recueillis et de la littérature examinée, il y a en particulier l’augmentation des revenus (d’emploi, de retraite, de prestation), un meilleur accès aux soins de santé et aux activités communautaires, ainsi que l’amélioration des conditions de travail.
- La plupart des individus les moins nantis interrogés se sont montrés à la fois vulnérables et résilients face à la pandémie. Avenue : renforcer le soutien aux foyers à faibles ou modestes revenus par des politiques sociales qui pallient notamment le manque de ressources financières, l’isolement social et l’exclusion sociale.
- Tout en procurant une protection indéniable face aux imprévus, le niveau de revenu n’est pas le seul facteur à considérer. Des facteurs autres que le revenu influent sur la capacité d’adaptation à une crise comme celle de la COVID-19 : les liens sociaux, le soutien sociocommunautaire, les infrastructures de proximité, un habitat sain et respectant la capacité de payer ou encore la richesse accumulée (ou le patrimoine) constituent autant de remparts face aux aléas. Avenue : investir aussi dans des environnements (physiques et sociaux) résilients qui permettent aux personnes d’affronter les imprévus et les crises.
Les objectifs poursuivis par le projet
- Mieux comprendre l’interaction des facteurs de vulnérabilité et les facteurs de protection en contexte pandémique auprès des populations les moins nanties.
- Évaluer les effets de certaines politiques et mesures existantes ou adoptées depuis le début de la pandémie au Québec sur le soutien apporté aux personnes à revenu faible ou modeste.
- Partager les résultats du projet dans une dynamique de transfert des connaissances.
- Mettre en relief des pistes de solution visant la réduction des inégalités révélées, amplifiées ou générées par la crise sanitaire.
Ce qui a été fait
Le projet s’est appuyé sur des recensions d’écrits, sur l’analyse de certaines politiques publiques, sur des échanges avec des parties prenantes (dont un comité de suivi) ainsi que sur une recherche comportant deux volets.
- Un sondage en ligne réalisé en juillet 2021, à la fin de la 3e vague, auprès de 1 354 personnes résidant dans diverses régions du Québec et dont le revenu total annuel du foyer se situe dans les 40 % les moins élevés sur l’échelle des revenus de la province.
- Un suivi longitudinal totalisant 142 entrevues semi-dirigées menées auprès de 50 répondantes et répondants au sondage ayant entre 19 et 90 ans. Ces participant·es ont été interrogé·es à trois reprises entre août 2021 et février 2022, soit pendant les 4e et 5e vagues de COVID-19.
L’Observatoire tient à remercier pour leur soutien financier à ce projet :