Bulletin des promesses électorales 2019 : Analyse d’un panel d’experts estimant les effets des différentes promesses électorales sur les inégalités au Québec

Publié le 16 octobre 2019

Élections fédérales : la majorité des partis proposent des politiques réduisant les inégalités

Lundi prochain, l’exercice démocratique que représente l’élection fédérale arrivera à son terme et le décompte des voix permettra de déterminer quel parti dirigera le pays durant les prochaines années. Pour recueillir le vote des citoyens et citoyennes, les partis tentent de convaincre en mettant de l’avant un projet de société qui façonnera le pays selon les valeurs qu’ils considèrent importantes. À leur tour, les citoyennes et citoyens évaluent ce projet et les différentes propositions qui le composent selon les valeurs qui leur tiennent à cœur.

Lorsqu’elles sont trop élevées, les inégalités causent une foule de problèmes pour la démocratie, la société et l’économie. D’où l’importance d’évaluer l’effet sur les inégalités que pourraient avoir les promesses électorales des partis politiques. Pour ce faire, l’Observatoire québécois des inégalités a mandaté 26 panélistes spécialistes des inégalités et des politiques publiques – provenant de 12 institutions et 10 disciplines différentes – pour évaluer l’impact sur les inégalités que pourraient avoir trois des principales promesses électorales de chacun des six principaux partis fédéraux. Ces spécialistes ont été choisis pour leur expertise sur le sujet et sur les mesures évaluées, allant de l’économie, le droit et la sociologie jusqu’à la fiscalité et la santé publique.

Tout comme une étudiante ou un étudiant reçoit un bulletin académique pour évaluer sa performance, les mesures des partis politiques ont reçu des notes en fonction de l’effet estimé sur les inégalités et le nombre de personnes touchées. A+ indique qu’une mesure réduirait considérablement les inégalités; E indique qu’une mesure augmenterait dramatiquement les inégalités. Ces notes extrêmes sont toutefois particulièrement difficiles à atteindre en pratique, puisqu’il est rare que les implications d’une mesure fassent consensus de façon aussi prononcée parmi une pluralité de spécialistes d’horizons différents. À noter, en aucun cas les notes distribuées dans ce bulletin ne sont attribuées à l’ensemble de la plateforme ou au parti politique en entier.

 

Impact des promesses électorales sur les inégalités

Parmi les 18 promesses analysées, le Nouveau parti démocratique propose les deux jugées les plus efficaces en matière de réduction des inégalités, avec une note de A. Ces deux mesures sont l’augmentation de l’impôt sur le patrimoine des familles riches et la création de logements abordables. À noter que sept autres promesses se trouvent tout juste derrière, avec une note de A- : 2 du Parti libéral du Canada, 2 du Parti vert du Canada, 2 du Bloc québécois et 1 du NPD.

Inversement, les deux promesses qui risqueraient le plus d’augmenter les inégalités, avec une note de D, sont proposées par le Parti populaire du Canada, soit l’abolition de l’impôt sur les gains en capital et la réforme de la fiscalité. Deux autres promesses risqueraient aussi d’augmenter significativement les inégalités, avec une note de D : le fractionnement des revenus de dividendes des familles (Parti conservateur du Canada) et l’atteinte de l’équilibre budgétaire en deux ans (Parti populaire du Canada).

À noter que seules trois promesses par parti ont été évaluées dans le cadre de cet exercice. Il ne s’agit donc pas d’une évaluation des plateformes électorales des partis, ni des partis eux-mêmes. Les promesses ont par ailleurs été présentées aléatoirement aux panélistes, sans mention du parti politique qui la proposait. La figure ci-dessous présente l’impact probable des mesures sur les inégalités.

 

Effet global de toutes les mesures analysées sur les inégalités

 

La majorité des partis ont été transparents et rapides à divulguer leurs plateforme électorale et cadre financier, particulièrement le Parti vert du Canada, le Parti libéral du Canada et le Bloc québécois. Le Parti conservateur du Canada n’ayant toujours pas dévoilé son cadre financier et sa plateforme électorale au moment d’envoyer le questionnaire aux panélistes, tout comme le Nouveau parti démocratique et le Parti populaire du Canada pour leur cadre financier, il a été plus difficile de réaliser l’exercice d’analyse pour ces trois partis. D’ailleurs, les promesses de certains partis étaient parfois avares des informations nécessaires pour permettre aux panélistes d’en estimer l’impact.

 

Portée de l’exercice

Un tel exercice comporte quelques limites. Ainsi, les résultats sont influencés par la composition du panel. De plus, certaines mesures sont complexes et peuvent avoir des effets ambigus ou contradictoires. Il y a plusieurs types d’inégalités dont il faut tenir compte : entre riches et pauvres, entre moins nantis et classe moyenne et entre mieux nantis et classe moyenne. Il en existe aussi entre hommes et femmes, jeunes et vieux, citoyens de longue date, nouveaux arrivants et Premières nations, et ainsi de suite.

Pour ces raisons, un exercice évaluatif des promesses électorales ne peut évidemment pas remplacer des études de cas poussées et spécifiques. Dans la mesure où celles-ci ne sont pas disponibles ou impossibles à produire dans un si court délai (à quelques semaines des élections), le Bulletin permet néanmoins de fournir une première impression informée, celle d’un panel d’experts, sur les différentes mesures mises de l’avant par les gouvernements.

Toutefois, dans la mesure où l’accès aux données permettant d’estimer correctement les effets probables des diverses mesures mises de l’avant est le plus souvent très limité, les partis politiques préfèrent généralement mettre de l’avant leurs propres estimations pour convaincre les citoyens du bien-fondé de leurs mesures, et se gardent la plupart du temps d’en évaluer les effets après-coup. En ce sens, le Bulletin est également un appel à la transparence et à l’accessibilité aux données gouvernementales, tant pour les chercheurs que pour les citoyens. C’est surtout un premier pas dans une direction prometteuse, qui pourrait inspirer les gouvernements à mesurer systématiquement l’effet de leurs politiques sur les inégalités économiques et sociales, quitte à en faire une rubrique obligatoire de toue plateforme électorale. Cette décision contribuerait à éclairer leurs décisions par rapport à cet enjeu fondamental de nos sociétés et permettre des débats publics mieux informés.

 

Mesures retenues pour évaluation

Parti libéral du Canada

  • Mesure #1 : Allocation pour les nouveau-nés
  • Mesure #2 : Augmentation du montant personnel de base
  • Mesure #3 : Bonification de la Sécurité de la vieillesse pour les 75 ans et plus

Parti conservateur du Canada

  • Mesure #4 : Crédit d’impôt pour les prestations de maternité
  • Mesure #5 : Baisse du taux d’imposition du premier palier
  • Mesure #6 : Fractionnement des revenus de dividendes des familles

Nouveau Parti démocratique (NPD)

  • Mesure #7 : Impôt sur le patrimoine des familles riches
  • Mesure #8 : Augmentation de l’impôt sur les gains en capital
  • Mesure #9 : Création de logements abordables

Parti vert du Canada

  • Mesure #10 : Gratuité scolaire au collégial et à l’université
  • Mesure #11 : Taxe sur les robots
  • Mesure #12 : Élimination de la déduction pour option d’achat d’actions

Parti populaire du Canada

  • Mesure #13 : Abolir l’impôt sur les gains en capital
  • Mesure #14 : Réforme de la fiscalité
  • Mesure #15 : Atteinte de l’équilibre budgétaire en deux ans

Bloc québécois

  • Mesure #16 : Modification du crédit d’impôt pour les aidants naturels
  • Mesure #17 : Modification du calcul des prestations de la Sécurité de la vieillesse
  • Mesure #18 : Bonification des transferts en santé aux provinces

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