Thème: Culture et société
Publié le 9 juin 2020
Le décès du citoyen américain George Floyd à la suite d’une intervention policière a provoqué bon nombre de manifestations à travers le monde. Plusieurs personnalités publiques, dont le premier ministre du Québec, ont déclaré condamner le racisme, tout en remettant en question l’existence du racisme systémique dans la province. Le débat suscité par cette prise de position confirme la nécessité de clarifier ce concept. Ce billet a pour objectif de définir la notion de racisme systémique et de déterminer s’il s’agit d’un enjeu de société au Québec. Il est le premier d’une série de billets à paraître sur le blogue de l’Observatoire dans les prochaines semaines.
Le racisme est un terme péjoratif qui renvoie a priori à une idéologie postulant que certaines catégories d’individus, identifiables par leur apparence physique ou leur appartenance ethnique, sont intrinsèquement inférieures à d’autres [1]. La justification et les manifestations du phénomène ont cependant évolué avec le temps [2].
Depuis les années 1960, le mot a plutôt tendance à désigner, outre des attitudes et des pratiques de dévalorisation, de marginalisation ou d’exclusion des « personnes racisées » [3], tout ce qui galvanise des inégalités « raciales » de droits et de chances [4]. Si l’opinion publique québécoise semble convenir de la persistance de comportements individuels racistes, elle semble plutôt divisée sur l’existence d’un racisme systémique au Québec.
Le racisme systémique, une définition
Bien qu’il n’existe pas de définition universelle du racisme systémique, la littérature semble s’accorder sur quelques caractéristiques :
- La dévalorisation d’une différence relevant de la couleur de peau, de la culture ou de l’origine ethnique d’une personne ;
- Un traitement discriminatoire basé sur ces différences ;
- La normalisation et l’acceptation de ces biais discriminatoires dans les façons de faire – politiques, procédures, attitudes – en apparence neutres des institutions publiques et privées.
Ce qui distingue le racisme systémique du racisme individuel, c’est donc son inscription dans le quotidien des gens et de l’organisation de la société. C’est aussi son acceptation et sa normalisation comme façons de faire en apparence neutres, même s’il engendre des disparités entre des groupes sociaux [5]. Selon la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ), on peut parler de racisme systémique lorsque :
- Un groupe de personnes racisées est victime d’une discrimination qui est statistiquement récurrente et disproportionnée par rapport à la moyenne ;
- Les normes ou les critères sur lesquels reposent les décisions individuelles ou collectives reflètent ou tolèrent certains préjugés contre les personnes racisées ;
- Les modèles organisationnels et des pratiques institutionnelles ont systématiquement des effets préjudiciables, voulus ou non, sur ces groupes [6].
Comme l’actualité en témoigne présentement, certaines manifestations du racisme systémique sont violentes et explicites. D’autres, en revanche, sont plus discrètes, plus insidieuses, mais non moins nocives. On les reconnaît à travers les tragédies humaines qu’elles ne manquent pas d’engendrer.
Le racisme systémique, c’est le soupçon persistant d’incompétence ou de maltraitance à l’égard des parents issus des minorités visibles. C’est le profilage par la police des jeunes issus des minorités racisées. C’est la menace ressentie à cause d’une couleur de peau ou d’un style vestimentaire. C’est la relégation de certains groupes sociaux au bas de la pyramide sociale.
Bref, ce sont les exclusions et les privilèges que confèrent certaines caractéristiques ethniques ou raciales. C’est aussi le refus de reconnaître et de nommer ces réalités.
De plus, les injustices dont sont victimes les groupes racisés peuvent être invisibles même dans les statistiques officielles. À défaut de pouvoir l’observer directement dans la manière dont il opère, il reste possible de l’examiner dans ses effets. Le racisme systémique peut alors être saisi indirectement, à travers les problèmes et les barrières qu’il cause dans la vie des individus et des groupes qui en sont la cible.
Aujourd’hui, le Québec est appelé à se positionner par rapport au racisme systémique et ses effets. Bien avant la tragédie américaine, le sujet s’était déjà invité dans les débats publics. La CDPDJ a affirmé que « la discrimination systémique et le racisme, en particulier dans les domaines du logement, de la santé, des services sociaux, de la justice, de la sécurité publique, de l’éducation, de la culture et des médias demeurent présents au sein de la société québécoise et requièrent une recherche approfondie de solutions concrètes » [7].
Ces inégalités « raciales » récurrentes — documentées non seulement par la littérature scientifique mais aussi par les nombreux témoignages des personnes racisées — semblent commander un effort urgent de réflexion collective, de recherche et d’action publique pour y remédier. Cette série de billets de blogue vise à éclairer le débat public sur cette question.
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.