L’insécurité alimentaire en hausse au Québec

Publié le 8 mai 2023

Selon les données de la plus récente enquête canadienne sur le revenu, il y a eu une hausse significative de l’insécurité alimentaire au Canada et au Québec entre 2020 et 2021.

Cet article de blogue a pour but de mettre à jour les chiffres énoncés dans le rapport La faim justifie des moyens. S’engager à réduire durablement et à prévenir l’insécurité alimentaire des ménages au Québec, sortie en septembre 2022.

Au Québec, elle est passée de 12,7% à 14,7%, ce qui représente un bond de plus de 179 000 personnes. En 2021, elle affectait près de 1 250 000  Québécois.es.

L’insécurité alimentaire dite marginale a connu la plus forte progression entre 2020 et 2021, passant de 4,1 % à 5,8 %. Pendant ce temps, le taux d’insécurité alimentaire modérée ou grave augmentait de 8,6 % à 8,9 %.

Comme cela a été observé pendant les années précédentes, le taux d’insécurité alimentaire demeure plus bas au Québec qu’au Canada.

Figure 1. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire, 2018-2021

Proportion de la population en situation d'insécurité alimentaire

Source: Statistique Canada. Tableau 13-10-0835-01. Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques

Les différents niveaux d’insécurité alimentaire sont définis ainsi :

  • L’insécurité alimentaire marginale ou légère: de l’incertitude quant à la capacité de se procurer des aliments ou de ne pas avoir une alimentation suffisamment variée.
  • L’insécurité alimentaire modérée : la qualité ou la quantité de nourriture est compromise pour les enfants ou les adultes.
  • L’insécurité alimentaire grave : une réduction importante de l’apport alimentaire et des perturbations graves des habitudes (repas sautés, consommation réduite d’aliments et, à l’extrême, privation de repas pendant une journée complète ou plus, et perte de poids).

Quelles sont les catégories de population les plus affectées et comment peut-on interpréter ces données?

Quelles sont les populations les plus touchées?

Les personnes suivantes se situaient nettement au-dessus de la moyenne nationale au Québec (14,7 %) :

  • Jeunes de moins de 18 ans : 21,3% (vs 15,7 % en 2020)
  • Personnes faisant partie d’une famille biparentale avec enfants : 18,2 %
  • Personnes faisant partie d’une famille monoparentale : 32,7%.  Les données pour le Canada, incluant le Québec, indiquent un écart important entre les personnes faisant partie d’une famille monoparentale ayant un homme à leur tête (23,9 %) ou ayant une femme à leur tête (42,6 %).
  • Personnes des minorités visibles [1]: 29,2 %  (vs 21,1 % en 2020). Les données pour le Canada, y compris le Québec, révèlent une forte surreprésentation des personnes Noir.es (39,2%), Philippin.es (29,2 %) et Arabes (27 %).
  • Personnes immigrantes arrivées au Canada au cours des 10 dernières années : 26,2 % (Canada)
  • Personnes autochtones au Canada[2]: 30,9 %

Figure 2. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon l’âge, Québec, 2021

Proportion de la population en situation d'insécurité alimentaire selon l'âge

Source:  Statistique Canada. Tableau 13-10-0835-01. Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques

 

Figure 3. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon le type de famille, Québec, 2021

Proportion de la population en situation d'insécurité alimentaire selon le type de famille

Source: Statistique Canada. Tableau 13-10-0834-01. Insécurité alimentaire selon le type de famille économique

 

Figure 4. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques, Québec, 2021

 Proportion de la population en situation d'insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques

Source:  Statistique Canada. Tableau 13-10-0835-01. Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques

 

 

Comment interpréter ces données?

La hausse de l’insécurité alimentaire en 2021 est due en partie à la réduction des transferts gouvernementaux liés à la COVID-19, ainsi qu’aux effets persistants de la pandémie, entre autres au plan des pertes d’emploi. Le taux officiel de pauvreté au Canada a d’ailleurs augmenté de 1% en 2021.

En raison de l’augmentation importante des prix en 2022, il est probable que les résultats de l’Enquête canadienne sur le revenu pour 2022 et pour 2023 indiqueront de nouvelles hausses du taux d’insécurité alimentaire.

Comme l’a illustré l’Observatoire québécois des inégalités dans son rapport La faim justifie des moyens. S’engager à réduire durablement et à prévenir l’insécurité alimentaire des ménages au Québec, la principale cause de l’insécurité alimentaire des ménages est le manque de ressources financières, qui résulte d’inégalités persistantes et de politiques sociales insuffisantes. D’après un examen de la littérature et la consultation effectuée pour ce rapport, la réduction durable et la prévention de l’insécurité alimentaire doivent reposer sur une amélioration substantielle du pouvoir d’achat des personnes moins nanties, grâce à des mesures de redressement de leurs revenus (d’emploi, de transferts gouvernementaux) et d’allègement du coût de la vie (logement, alimentation, transport, etc).

 

Qu’est-ce que l’enquête canadienne sur le revenu?

« L’enquête canadienne sur le revenu (ECR) est une enquête transversale ayant pour but de dresser un portrait du revenu et des sources de revenu des canadiens, selon leurs caractéristiques personnelles et celles de leur ménage. »

La collecte de données pour l’ECR de 2021 a été réalisée de janvier à juin 2022.

 

Qu’est-ce que le module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages?[3]

Le Canada adoptait en 2004 un questionnaire standardisé, le Module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages (MESAM), qui est intégré à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) depuis 2007-2008, et désormais, depuis 2019, à l’Enquête canadienne sur le revenu (ECR). Le MESAM comporte 18 questions. Celles-ci cherchent à faire ressortir les expériences des adultes, mais aussi celles des enfants, et documentent les préoccupations des ménages, dans les 12 derniers mois, concernant leur crainte de manquer de nourriture, la difficulté de s’offrir une alimentation équilibrée, l’expérience de la faim, etc., en raison de ressources financières limitées.

 

[1]Statistique Canada : “Selon la Loi sur l’équité en matière d’emploi, on entend par minorités visibles « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche ».

[2] Les personnes ayant déclaré être Autochtones, soit Premières Nations (Indiens de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuits, ou les personnes qui ont déclaré appartenir à plus d’un de ces groupes. Les personnes vivant dans les réserves et établissements autochtones dans les provinces sont exclues du champ de l’enquête. Les données relatives aux personnes déclarant être Inuits et celles déclarant des identités multiples sont incluses dans le total autochtone mais elles ne sont pas présentées séparément en raison de la petite taille des échantillons.

[3] François Fournier (2022). La faim justifie des moyens. S’engager à réduire durablement et à prévenir l’insécurité alimentaire des ménages au Québec, Montréal, Observatoire québécois des inégalités.

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