Thème: Économie
Publié le 27 novembre 2019
Ce billet cherche à évaluer l’impact sur les inégalités de revenu de deux mesures annoncées ce mois-ci dans la mise à jour économique et financière d’automne 2019, publiée par le ministre québécois des Finances, soit l’abolition de la contribution additionnelle pour la garde d’enfants et le versement du crédit d’impôt de solidarité aux prestataires de l’assistance sociale. Il fait suite au billet précédent qui évaluait deux autres mesures de cette même mise à jour économique ; la bonification de l’Allocation famille et la création d’un nouveau palier pour le supplément pour enfants handicapés nécessitant des soins exceptionnels.
Abolition de la contribution additionnelle pour la garde d’enfants
Tout comme les deux mesures évaluées dans le précédent billet, l’abolition de la contribution additionnelle pour la garde d’enfant s’adresse aux familles avec enfants.
La contribution additionnelle pour la garde d’enfants touchait les parents qui confiaient leurs enfants à un service de garde subventionné. Quand une famille décide de placer un enfant dans un tel établissement, elle doit payer une contribution de base, un montant qui doit être versé par tous les parents indépendamment de leur revenu. La contribution additionnelle était un montant que les familles devaient débourser, qui s’ajoutait à la contribution de base, et qui était modulée en fonction du revenu net familial. Le tableau 1 permet d’observer les paramètres de la contribution de base et de la contribution additionnelle.
Tableau 1. Paramètres de la contribution additionnelle pour la garde d’enfants
Le gouvernement a donc aboli cette contribution additionnelle, de telle sorte que toutes les familles payeront à présent uniquement la contribution de base de 8,25 $, peu importe leur revenu.
Qui bénéficiera de cette mesure ?
- Les familles dont le revenu net est supérieur à 51 340 $, en particulier celles dont ce revenu est supérieur à 166 005 $
Qui n’en bénéficiera pas ?
- Les familles dont le revenu net est inférieur à 51 340 $
Effet potentiel sur les inégalités
Puisque les familles à plus faible revenu ne bénéficient aucunement de cette mesure et que les familles à plus haut revenu verront leur fardeau fiscal diminué de 13,90 $ par jour de garde, on devrait s’attendre à ce que cette mesure augmente les inégalités de revenu. Notons cependant que cette suppression de la contribution additionnelle résout un potentiel problème de double imposition. Nous pourrions effectivement supposer que le financement des garderies soit assuré par l’impôt progressif. Introduire une contribution additionnelle pour la garde d’enfants pouvait dans ce contexte être envisagée comme une double imposition des familles à moyen et haut revenu.
Le versement du crédit d’impôt de solidarité aux prestataires de l’assistance sociale
Le crédit d’impôt pour solidarité (CIS) est un crédit d’impôt remboursable accordé aux ménages québécois à faible et à moyen revenu pour atténuer l’impact financier de certaines dépenses qui sont, par nature, régressives. C’est-à-dire que ces dépenses représentent un poids plus important pour les ménages à faible revenu que ceux à haut revenu.
Le CIS comprend trois composantes qui visent à atténuer le coût de trois dépenses :
- Une composante relative au coût de la TVQ
- Une composante relative au coût du logement
- Une composante relative aux habitants des villages nordiques
À titre d’illustration, en 2020, un particulier vivant à Montréal seul et sans enfant a droit à un montant maximal de 998 $ tiré du CIS. Pour cet individu, le seuil de revenu net à partir duquel le montant du crédit commence à diminuer est de 34 800 $ et il arrêterait totalement d’en bénéficier à partir de 51 400 $.
Pour une famille avec deux enfants, le montant maximal est de 1 513 $ et elle arrête d’en bénéficier à partir de 60 000 $ de revenu familial net. Le tableau 2 permet de visualiser les montants maximums offerts par le CIS pour une personne vivant seule et un couple avec deux enfants habitant à Montréal.
Tableau 2. Les paramètres du crédit d’impôt de solidarité (2020)
Pour obtenir toutes les prestations du CIS, il fallait auparavant nécessairement produire une déclaration d’impôts, ce que certaines personnes bénéficiaires de l’aide sociale, les individus susceptibles de recevoir le crédit d’impôt, ne faisaient pas systématiquement. Ils renonçaient alors à des prestations auxquelles ils avaient droit.
Le changement du gouvernement consiste à permettre à cette population de bénéficier d’une partie des montants auxquels elle a droit, même sans avoir produit de déclaration de revenus. Ainsi, le gouvernement a annoncé qu’il verserait le montant de base de la composante relative à la TVQ du CIS aux personnes qui étaient prestataires de l’assistance sociale en décembre 2018 et qui n’ont pas produit leur déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2018. Le montant versé sera donc de 292 $ par adulte. Les autres composantes du CIS ne seront cependant pas versées. À titre illustratif, en plus du 292 $, que représente le montant de base de la composante TVQ du CIS, une personne vivant seule produisant une déclaration de revenus pourrait recevoir un soutien financier additionnel allant jusqu’à :
- 139 $ à titre de supplément de la composante relative à la TVQ ;
- 567 $ pour la composante relative au logement ;
- 1 719 $ pour la composante relative à un village nordique.
Qui bénéficiera de cette mesure ?
- Les bénéficiaires de l’assistance sociale qui n’ont pas rempli de déclaration de revenus
Effet potentiel sur les inégalités
L’application de la mesure devrait réduire les inégalités de revenu puisqu’elle s’adresse uniquement à des individus à faible revenu. Cette réduction sera toutefois potentiellement limitée, puisque qu’elle ne concerne qu’une faible partie de la population, les personnes à faible revenu bénéficiaires de l’assistance sociale.
Si l’intention à l’origine de cette mesure semble bonne, il faudra cependant surveiller les effets potentiellement nuisibles que l’annonce pourrait avoir sur cette population. Par exemple, il ne faudrait pas que l’obtention du montant de base soit interprétée de telle façon qu’il n’est plus nécessaire pour les bénéficiaires de l’aide sociale de produire une déclaration d’impôt. En tel cas, cela pourrait renforcer la situation de pauvreté de ces personnes. Une discussion sur l’efficacité de la fiscalité sur la réduction de la pauvreté pourrait alors être envisagée.
Le point sur la situation économique et financière du Québec de novembre 2019 vise à faire une mise à jour de la situation financière de la province et à annoncer de nouvelles mesures mises en place par le gouvernement. Il fait suite au budget 2019-2020, dévoilé le 21 mars dernier. L’Observatoire avait réalisé pour l’occasion le Bulletin des budgets, une analyse des effets et de l’impact des mesures sur les inégalités.
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.