Thème: Économie
Publié le 30 septembre 2022
Les personnes aînées font l’objet d’un certain nombre de préjugés aux plans économique et financier qui leur causent de graves préjudices : invisibilisation sociale, infantilisation, et autres formes d’âgisme[I]. Ce billet a pour but de montrer que les personnes aînées sont loin de l’image d’assistées qu’on leur associe : elles participent de plus en plus activement à la vie économique et alimentent la croissance et l’innovation du Québec.
[I] Voir Serge Guérin (2015). Silver génération : 10 idées reçues à combattre à propos des seniors, éditions Michalon.
Les personnes aînées sont toutes à la retraite
À cause des stéréotypes qui les concernent, on serait tenté de croire que les populations aînées et retraitées se confondent et évoluent de la même manière. C’est le premier stéréotype qu’il s’agit de déconstruire : toutes les personnes aînées ne sont pas nécessairement retraitées.
L’opinion publique associe souvent les personnes aînées à des millions de personnes inactives, « inutiles » pour le marché du travail. C’est un autre stéréotype qu’il est important de déconstruire.
Les personnes aînées au Québec sont certes le plus souvent à la retraite (semi-retraitées ou retraitées), mais bon nombre d’entre elles font partie de la population active. Elles tendent de plus en plus à prolonger la durée de leur vie active ou à revenir sur le marché du travail après une sortie temporaire: la plupart continuent de travailler au-delà de l’âge de la retraite, tel que fixé par la Régie des rentes du Québec ou le Régime de pensions du Canada. À cet égard, Statistique Canada notait qu’en 2018, plus de la moitié des personnes âgées de 60 ans et plus travaillaient pour assumer leurs dépenses courantes[I].
Selon les données de Statistique Canada, le marché du travail a de plus en plus recours aux personnes aînées qui y demeurent d’ailleurs plus longtemps qu’auparavant ou y reviennent après une période d’inactivité. Ainsi, entre 1990 et 2021, le taux d’activité parmi les personnes de 60-64 ans a crû de plus de 50% au Canada (passant de 37% à 58%), avec une réduction significative des écarts entre les hommes et les femmes. Même si la croissance a été plus forte au Québec (75%) qu’en Ontario (45%), la belle province a maintenu sur toute la période (1990-2021) des taux d’activité inférieurs à la moyenne nationale, mais avec une tendance à la réduction des écarts. En 2021, 58% des personnes âgées de 60-64 ans au Canada faisaient partie de la population active ; les taux équivalents s’élevaient respectivement à 54% et 60% pour le Québec et l’Ontario[II].
Même le taux d’activité des personnes âgées de 65 ans et plus a plus que doublé au Canada entre 1990 et 2021. Comme le montre la figure 3, la croissance a été plus forte au Québec (132%) que dans le reste du Canada (109%) et en Ontario (99%). En 2021, 14% des 65 ans et plus faisaient partie de la population active canadienne. Les taux équivalents étaient respectivement de 11% et 15% pour le Québec et l’Ontario.
Source : Statistique Canada. Tableau 14-10-0327-01, Caractéristiques de la population active selon le sexe et le groupe d’âge détaillé, données annuelles
Une population de plus en plus occupée
Un autre stéréotype à propos des aîné.e.s du Québec se rapporte à leur place sur le marché du travail. Selon les données disponibles, le Québec accuse en outre un certain retard par rapport au reste du Canada et à l’Ontario quant au nombre de personnes aînées qui occupent un emploi. En 2021, 53% des personnes âgées de 60-64 ans au Canada occupaient un emploi ; le taux correspondant s’élevait à 49% au Québec et 55% en Ontario. Au cours des trois dernières décennies, le taux d’emploi de ce groupe d’aîné.e.s a augmenté de plus de 50% au Canada. Mais comme le montre la figure 4, c’est au Québec qu’on a enregistré l’une des hausses les plus importantes, le taux a crû de plus de 76%, soit quasiment deux fois plus vite qu’en Ontario où il a augmenté de seulement 40%. Malgré tout le taux d’emploi des personnes âgées de 60-64 ans en Ontario demeure supérieur à la moyenne nationale et à celui du Québec. Le taux d’emploi des personnes de 65 ans et plus a suivi ces mêmes tendances : il a doublé au Canada au cours des 30 dernières années, passant de 6,6% en 1990 à 14% en 2019. Il a crû encore plus vite au Québec (121%) comparativement au Canada (112%) et à l’Ontario (86%), mais le taux du Québec demeure constamment inférieur à la moyenne nationale et à celui de l’Ontario. En 2021, 13% des personnes âgées de 65 ans et plus au Canada occupaient un emploi ; les taux correspondants s’élevaient respectivement à 10% pour le Québec et 14% pour l’Ontario.
Source : Statistique Canada. Tableau 14-10-0327-01, Caractéristiques de la population active selon le sexe et le groupe d’âge détaillé, données annuelles
Les personnes aînées habitent en CHSLD
Un autre stéréotype courant à propos des personnes aînées se rapporte à leurs conditions d’habitation. En effet, contrairement à ce que suggère la surmédiatisation du discours sur les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), 96% des aîné.e.s du Québec vivent à domicile en tant que propriétaires ou locataires de leur logement[1]. Seulement 3 % des personnes âgées de 65 ans et plus vivent en CHSLD[2], ce qui représentait, en 2018, moins de 50 000 personnes[III]. En 2016, 1 338 200 aîné.e.s vivaient dans un ménage privé[3] (maison, appartement, condominium, résidence privée pour aîné.e.s). 27% d’entre elles vivaient seules[IV]. Au 31 mars 2018, le Québec comptait 1 818 RPA certifiées, pour un total de près de 126 000 unités locatives.
Ainsi, comme le montre le tableau 1, en 2016, les aîné.e.s du Québec étaient majoritairement propriétaires de leur domicile[4]. Statistique Canada dénombrait 573 630 ménages d’aîné.e.s propriétaires[5], la grande majorité d’entre eux étaient libérés de tout emprunt hypothécaire.
Le taux de propriété des ménages d’aîné.e.s[6] (64%) est resté relativement stable depuis 2006[7]. Pour sa part, le nombre de ménages d’aîné.e.s locataires s’élevait en 2016 à 318 335, en hausse de 18% par rapport à 2006. À noter qu’en 2016, les frais de logements des ménages d’aîné.e.s sont en moyenne plus élevés pour les locataires que pour les propriétaires[V]. En moyenne, les frais mensuels s’élèvent à 778 $ pour les locataires et 713 $ pour les propriétaires. Même la part des ménages consacrant plus de 30% de leur revenu au logement est significativement plus élevée chez les locataires (43%) que chez les propriétaires (13%). Des taux qui tendent à monter avec l’âge du principal soutien du ménage.
D’autres statistiques montrent que certains ménages d’aîné.e.s s’en tirent mieux que d’autres en matière d’habitation. Les moins fortunés ont dû recourir à l’aide publique. Par exemple, en 2017, environ 13 000 ménages aînés bénéficiaient du programme AccèsLogis qui finance la construction de logements communautaires et abordables pour des ménages à faible revenu et pour des personnes ayant des besoins particuliers en matière d’habitation. Près de 70 000 ménages d’aîné.e.s recevaient, dans le cadre du programme Allocation-logement, une aide financière mensuelle pouvant atteindre 80 $[VI].
Malgré tout, le vieillissement de la population n’a pas manqué d’exacerber les besoins impérieux de logements des personnes aînées au Québec. Selon Statistique Canada, en 2016, parmi 881 315 ménages d’aîné.e.s visés par une évaluation de leur logement, 9% soit 81 950 avaient des besoins impérieux de réparation[VII].
Tableau 1 : Caractéristiques des ménages dirigés par une personne aînée (principal soutien de ménage âgé de 65 ans et plus), Québec, 2016
Note: Toutes les données portent sur les ménages privés dénombrés lors de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2016.
Source : Société canadienne d’hypothèques et de logement, Ménages d’aînés ou dirigés par un aîné, 2020
Pour lire la suite : Les préjugés sur les personnes aînées au Québec (partie 2)