Thème: Économie
Publié le 30 janvier 2025
Montréal, le 30 janvier 2025 – L’Observatoire québécois des inégalités publie un portrait inédit des classes moyennes et de leurs transformations au Québec et au Canada sur une période de près de 50 ans. Prolongeant la réflexion amorcée dans une première note dédiée au concept de classe moyenne, cette publication offre une analyse détaillée des caractéristiques socioéconomiques de cette frange de la population.
Pour brosser ce portrait, l’Observatoire a retenu la définition de l’OCDE qui inclut dans la classe moyenne les personnes dont le revenu après impôt se situe dans l’intervalle de 75 % à 200 % du revenu médian ajusté des ménages. Au Québec, en 2022, cet intervalle se situait entre 40 997 $ et 109 324 $, cela correspond à près de deux personnes sur trois.
Croissance au Québec grâce aux politiques de redistribution
Premier constat : contrairement aux idées reçues, on n’observe pas de déclassement de la classe moyenne. « Si la classe moyenne a pu maintenir sa vigueur, c’est notamment grâce aux transferts gouvernementaux et à la fiscalité. », souligne Geoffroy Boucher, économiste à l’Observatoire québécois des inégalités et auteur de la note.
S’il n’en tenait qu’au marché, le nombre de personnes appartenant à la classe moyenne aurait régressé au cours des 50 dernières années. Au Québec, les transferts gouvernementaux et la fiscalité ont plutôt permis à la classe moyenne de croître : 63,2 % de la population en faisait partie en 1976, contre 66,8 % en 2022. Au Canada, où l’effet des mécanismes de redistribution est généralement moindre, la taille de la classe moyenne est demeurée stable au cours de la période à l’étude (environ 63 %).
Maintien du niveau de vie à tout prix
Le revenu disponible de la classe moyenne a connu une augmentation marquée (+ 50%) depuis le début des années 2000, et ce, même si l’on tient compte de l’inflation. Bien que le nombre de personnes par ménage diminue, le nombre de personnes ayant un revenu d’emploi par ménage augmente. Il faut donc davantage de pourvoyeurs dans chaque ménage pour maintenir le niveau de vie de la classe moyenne.
La propriété résidentielle reste un trait distinctif de la classe moyenne (en 1976, 76 % des personnes faisant partie de la classe moyenne canadienne étaient propriétaires, contre 79 % en 2022). On s’endette toutefois davantage pour atteindre cet objectif. Au Québec, la proportion de la dette au revenu disponible des ménages de la classe moyenne est passée de 82 % à 120 % entre 1999 et 2019.
Une nouvelle ligne de fracture semble se dessiner entre locataires et propriétaires. Par rapport à leur poids démographique, les personnes propriétaires de leur logement sont de plus en plus surreprésentées au sein de la classe moyenne québécoise et canadienne. À l’inverse, chez les locataires, les probabilités de faire partie de la classe moyenne se sont dégradées.
Un visage qui se diversifie
Entre 1976 et 2022, la composition des classes moyennes au Québec et au Canada s’est largement diversifiée. En effet, le modèle du couple avec enfants n’y est plus aussi prépondérant. On retrouve désormais dans cette catégorie davantage de personnes immigrantes et de familles monoparentales. Les femmes y occupent également de plus en plus le rôle de principale pourvoyeuse du ménage. Au Québec, 62 % des ménages dont le principal soutien économique était une femme faisaient partie de la classe moyenne en 2022, contre 53 % en 1976.
La classe moyenne se concentre de plus en plus dans les grands centres urbains (une personne sur deux), bien qu’une proportion significative réside en région rurale. Le niveau de scolarité est également en hausse: en 2022, la proportion de diplômés universitaires a doublé par rapport à 2000.
Par ailleurs, bien que la classe moyenne vieillit au même rythme que l’ensemble de la population, les jeunes de moins de 35 ans ont vu leurs chances d’intégrer la classe moyenne s’améliorer, illustrant une inclusion accrue des nouvelles générations.
Quel avenir pour les classes moyennes?
Si la diversification de la classe moyenne et l’augmentation de sa taille au Québec, sont des signaux positifs, d’autres signes, comme la hausse de son endettement et le fait que davantage de personnes doivent travailler au sein de chaque ménage pour maintenir le niveau de vie, témoignent d’une pression accrue.
Cette deuxième note de recherche a mis en lumière le rôle des transferts gouvernementaux et de la fiscalité dans le maintien d’une classe moyenne vigoureuse. Une troisième et dernière note approfondira cette question en analysant des politiques publiques et en effectuant des simulations des impacts de certaines mesures fiscales sur la classe moyenne, tant au Québec qu’au Canada.
L’Observatoire québécois des inégalités poursuivra également son analyse des classes moyennes lors de la quatrième édition de son événement annuel les 25 et 26 mars prochains à Gatineau. « L’Observatoire souhaite contribuer non seulement à l’analyse des classes sociales au Canada et au Québec, mais aussi aux pistes de solution qui permettent de réduire les inégalités, d’améliorer le potentiel de mobilité sociale de l’éducation et du travail, ou de respecter les limites des écosystèmes pour répondre aux besoins sociaux », précise Nathalie Guay, directrice générale de l’Observatoire québécois des inégalités.
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