Forte augmentation des inégalités de revenu depuis la pandémie au Québec

Publié le 27 octobre 2025

Faits saillants

  • Depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire lié à la COVID-19, le Québec a connu une forte hausse du coût de la vie, particulièrement en ce qui concerne le logement et l’alimentation.
  • Cette hausse a eu un impact disproportionné sur les ménages à faible revenu, pour qui ces postes de dépense représentent une part plus importante du budget.
  • Pour certains ménages, l’augmentation du revenu disponible a compensé la hausse des prix.
  • Toutefois, cette croissance du revenu n’a pas profité également à tous : alors que les ménages les plus modestes ont vu leur revenu stagner ou diminuer, ceux à revenu élevé ont enregistré des gains importants.
  • Les inégalités de revenu se sont ainsi accentuées depuis 2020, atteignant un sommet historique à l’échelle canadienne.
  • Enfin, les inégalités de patrimoine sont encore plus prononcées que celles liées au revenu.

 

Une hausse du coût de la vie qui touche davantage les ménages à faible revenu

La période suivant l’état d’urgence sanitaire lié à la COVID-19 a été marquée par une importante hausse du coût de la vie au Québec. En 2022, l’indice des prix à la consommation (IPC) – qui mesure la variation des prix des biens et services consommés par les ménages – a affiché sa plus forte augmentation au Québec depuis 1982, enregistrant une croissance de 6,7 % par rapport à 2021.

À la suite de hausses répétées du taux directeur par la Banque du Canada, l’inflation est passée sous la barre des 3 % à partir de 2024, mais la hausse du prix des logements demeure élevée. En mars 2024, la composante « logement » de l’IPC enregistrait une hausse de 7,6 % par rapport au mois de mars 2023. Depuis le début de l’année 2025, la variation des prix des biens et services, en particulier le logement et les aliments achetés en magasin, est de nouveau en hausse.

 L’effet cumulé de la hausse des prix est saisissant : entre août 2020 et août 2025, l’IPC global a progressé de 21,8 %, avec des augmentations encore plus marquées au niveau du logement (+31,4 %) et de l’alimentation (+28,2 %).

La hausse du coût de la vie a touché davantage les ménages à faible revenu

Le logement et l’alimentation, qui ont affiché les plus fortes hausses de prix, sont précisément les postes budgétaires qui occupent la plus grande part des dépenses des familles à faible revenu. En effet, les ménages appartenant au quintile inférieur de la distribution des revenus – soit les 20% les plus pauvres de la population – consacrent la moitié (50 %) de leurs dépenses de consommation au logement et à l’alimentation, alors que les ménages du quintile supérieur – les 20 % les plus riches – n’y allouent que 22 %, soit deux fois moins. Les ménages à faible revenu subissent donc un effet disproportionné de la hausse du coût de la vie.

Cette situation n’est pas étrangère à la hausse marquée de l’insécurité alimentaire, dont le taux est passé de 10,9 % en 2019 à 19,8 % en 2023.  Au Québec, ce sont 1 723 000 personnes qui vivaient diverses formes d’insécurité alimentaire en 2023.

Une augmentation du revenu disponible concentrée au sommet de la distribution

Cette hausse du coût de la vie a été compensée, pour certains ménages, par une augmentation du revenu disponible, c’est-à-dire le revenu du marché, additionné des prestations gouvernementales et soustrait des impôts. Entre 2020 et 2024, le revenu disponible des ménages québécois a ainsi progressé de 19,3 %, une croissance légèrement supérieure à celle de l’IPC (+18,4 %) pour la même période.

Toutefois, cette amélioration n’a pas profité également à tous. L’augmentation du revenu disponible s’est concentrée dans le haut de la distribution : tandis que le revenu disponible moyen des ménages du premier quintile – les 20 % les plus pauvres – a reculé de 568 $, passant de 29 875 $ à 29 307 $ (-1,9 %), celui des ménages du cinquième quintile – les 20 % les plus riches – a bondi de 71 807 $, passant de 139 660 $ à 211 467 $ (+51,4 %).

Forte augmentation des inégalités de revenu depuis la pandémie

Les données d’enquêtes concernant la répartition des revenus dans la société canadienne nous permettent d’observer une réduction marquée et momentanée des inégalités de revenu après impôt en 2020 et 2021, en raison des aides financières d’urgence mises en place par les gouvernements durant l’état d’urgence sanitaire lié à la COVID-19. En effet, le coefficient de Gini (voir encadré) du revenu après impôt a diminué de 7,4 % au Québec entre 2020 et 2021, soit la plus forte variation annuelle enregistrée par les données d’enquête de Statistique Canada, pour remonter par la suite.

 

En raison des délais de production et de diffusion, ces données d’enquête ne permettent pas encore d’observer les tendances les plus récentes en matière d’inégalités de revenu. Pour analyser la période postérieure à 2023, il est possible de se tourner vers les comptes économiques répartis pour le secteur des ménages de Statistique Canada, une base de données qui décrit l’activité économique au Canada.

Bien que ces données ne permettent pas de calculer le coefficient de Gini, elles offrent une vue d’ensemble de la répartition du revenu disponible entre les différents quintiles de revenu. L’examen de l’écart de revenu – défini comme la différence entre la part du revenu disponible détenue par les 40 % des ménages les plus riches et celle détenue par les 40 % les plus pauvres – permet néanmoins d’apprécier l’évolution des inégalités. À l’échelle canadienne, cet écart est passé d’un creux de 39,7 % en 2020 à 46,8 % en 2024, puis à 48,4 % au deuxième trimestre de 2025, atteignant ainsi un sommet historique.

Les comptes économiques répartis pour le secteur des ménages ne permettent toutefois pas d’estimer cet indicateur au Québec puisque les quintiles de revenus sont estimés au niveau du Canada et non au niveau provincial. Néanmoins, comme les inégalités de revenu au Québec, quoique moins marquées, évoluent généralement dans la même direction que celles observées à l’échelle du Canada, il est hautement probable qu’une hausse marquée des inégalités de revenu s’y manifeste également pour les années 2023 à 2025.

 

Les inégalités de patrimoine sont plus exacerbées que les inégalités de revenu

Les inégalités de patrimoine ont continué d’être nettement plus marquées que les inégalités de revenu au deuxième trimestre de 2025. Alors que les ménages canadiens de la tranche supérieure de 20 % de la répartition du revenu détenaient 42,3 % du revenu disponible, ceux de la tranche supérieure de la répartition du patrimoine détenaient 64,8% de la richesse. Au bas de la distribution du revenu, les ménages parmi les 40 % les plus pauvres détenaient 17,3 % du revenu disponible, alors que les ménages au bas de la distribution du patrimoine détenaient seulement 3,3 % de la richesse.

 

Conclusion

Depuis la fin de la pandémie, la forte hausse du coût de la vie a eu un effet significatif sur la situation économique des ménages québécois. Si certains ont pu bénéficier d’une croissance du revenu disponible, celle-ci n’a pas été partagée équitablement. Les ménages à faible revenu, plus durement touchés par la forte augmentation des prix du logement et de l’alimentation, ont vu leur situation se détériorer, tandis que les ménages plus aisés ont enregistré des gains importants. Cette dynamique a contribué à creuser les inégalités de revenu au pays, auxquelles s’ajoutent des écarts de patrimoine encore plus marqués.

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