L’insécurité alimentaire grave en forte hausse au Québec

Publié le 1 mai 2025

Les plus récentes données de l’Enquête canadienne sur le revenu (2023) révèlent qu’une personne sur cinq (19,8 %) se trouve en situation d’insécurité alimentaire au Québec. Ce sont 1 723 000 personnes qui vivaient diverses formes d’insécurité alimentaire en 2023.

Une aggravation de l’insécurité alimentaire

La proportion de personnes en situation d’insécurité alimentaire est en hausse pour une quatrième année consécutive. Le taux d’insécurité alimentaire est passé de 10,9 % en 2019 à 19,8 % en 2023. Il s’agit d’une augmentation de 81,7 % en 4 ans.

Encore plus préoccupant : ce sont les niveaux d’insécurité alimentaire modérée et grave qui ont connu l’augmentation la plus marquée. Entre 2022 et 2023 seulement, l’insécurité alimentaire grave a fait un bond de 40,9 % alors que l’insécurité alimentaire totale a augmenté de 32,3 %. En 2023, ce sont 319 000 personnes qui ont souffert d’insécurité alimentaire grave au Québec.

Figure 1. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire, Québec, 2018-2023

Note : La qualité des données pour l’insécurité alimentaire totale est bonne ou très bonne. Les données concernant le niveau d’insécurité alimentaire grave en 2019 et 2021 sont à utiliser avec prudence.
Source : Statistique Canada, Tableau 13-10-0835-01 Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques.

Les divers degrés d’insécurité alimentaire sont communément caractérisés comme suit :

  • L’insécurité alimentaire marginale ou légère : de l’incertitude quant à la capacité de se procurer des aliments ou de ne pas avoir une alimentation suffisamment variée.
  • L’insécurité alimentaire modérée: la qualité ou la quantité de nourriture est compromise pour les enfants ou les adultes.
  • L’insécurité alimentaire grave: une réduction importante de l’apport alimentaire et des perturbations graves des habitudes (repas sautés, consommation réduite d’aliments et, à l’extrême, privation de repas pendant une journée complète ou plus, et perte de poids).

L’une des principales causes de cette augmentation est liée à la poussée inflationniste : en effet, la variation sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation pour les aliments achetés en magasin a dépassé les 10 % pendant plusieurs mois de la période couverte par l’enquête (janvier 2023 à juin 2024). Le prix du logement a également atteint des sommets durant cette période.

Qui est le plus affecté par l’insécurité alimentaire au Québec?

Certains groupes de personnes sont touchés de manière disproportionnée par l’insécurité alimentaire :
→  Minorités visibles : 34,8 %, dont 50,6% chez les personnes qui s’identifient comme Noires, contre 15,9 % pour les personnes qui ne s’identifient pas comme une minorité visible.
Population immigrante : 27,3 % des personnes de 15 ans et plus ayant immigré au Canada, comparativement à 15,4 % des personnes nées du Canada.
Population autochtone : 23,3 % des personnes autochtones, comparativement à 19,8 % pour la population non autochtone. Ces données sont toutefois à utiliser avec prudence en raison de la faible taille de l’échantillon.

Figure 2. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques, Québec, 2023

Notes :
La qualité des données pour l’insécurité alimentaire totale est généralement bonne. Les données pour chaque niveau d’insécurité alimentaire sont à utiliser avec prudence.
La qualité des données pour la population autochtone ne permet pas de présenter des données pour chaque niveau d’insécurité alimentaire. Seul le total, qui est à utiliser avec prudence, est présenté.
Les données pour la population immigrante correspondent aux personnes de 15 ans et plus.

Source : Statistique Canada, Tableau 13-10-0835-01 Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques.

L’insécurité alimentaire en forte hausse chez les jeunes

Les enfants, soit les personnes âgées de moins de 18 ans, sont particulièrement touchés par l’insécurité alimentaire. Le taux d’insécurité alimentaire est passé de 19,5 % en 2022 à 27,5 % en 2023, soit une hausse de 41,0 % en un an. Cette situation est fort préoccupante compte tenu des risques que pose l’insécurité alimentaire pour le développement des enfants.

L’insécurité alimentaire touche également les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans, chez qui le taux d’insécurité alimentaire a bondi de 47,5 % entre 2022 et 2023. Ce constat fait écho aux préoccupations soulevées par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et l’Union étudiante du Québec (UEQ) qui notent une forte prévalence de l’insécurité alimentaire au sein de la population étudiante.

Figure 3. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon l’âge, Québec, 2023

Note : La qualité des données pour l’insécurité alimentaire totale est généralement bonne. Les données pour chaque niveau d’insécurité alimentaire sont à utiliser avec prudence.
Source : Statistique Canada, Tableau 13-10-0835-01 Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques.

Les familles monoparentales sont toujours très nombreuses à vivre de l’insécurité alimentaire. Le taux d’insécurité alimentaire atteignait 37,8 % chez les familles monoparentales en 2023 et 40,2 % chez les familles monoparentales où le parent est une femme.

Figure 4. Proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire selon le type de famille, Québec, 2023

Note : La qualité des données pour l’insécurité alimentaire totale est généralement bonne. Les données pour chaque niveau d’insécurité alimentaire sont à utiliser avec prudence.
Source : Statistique Canada, Tableau 13-10-0834-01 Insécurité alimentaire selon certaines caractéristiques démographiques.

Une situation qui pourrait continuer de s’aggraver

Le budget des ménages québécois continuera à faire face à des pressions élevées en 2025. Si la variation sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation pour les aliments achetés en magasin avait ralenti en 2024, elle connaît une augmentation depuis le début de 2025 (+ 3,1 % en mars 2025). D’après le plus récent Rapport sur les prix alimentaires corédigé par quatre universités canadiennes, le prix du panier d’épicerie canadien devrait augmenter de 3 à 5 % en 2025. Cette hausse représente environ 800 $ de plus pour une famille.

L’inflation liée au prix du logement continue à afficher un niveau très élevé. La variation sur 12 mois a d’ailleurs atteint 7,6 % en mars 2024. Or, comme le logement est généralement une dépense incompressible, c’est souvent l’alimentation qui en subit les contrecoups.

Les impacts de la crise du logement sur le fait de se retrouver en situation d’insécurité alimentaire sont d’ailleurs à l’étude au sein de l’Observatoire québécois des inégalités. Un rapport de recherche sur le sujet sera publié prochainement.

Figure 5. Variation sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation, mars 2021 à mars 2025, Québec

Source : Statistique Canada, Tableau 18-10-0004-01 Indice des prix à la consommation mensuel, non désaisonnalisé.

Augmentation de la demande d’aide alimentaire

Les Banques alimentaires du Québec (BAQ) ont récemment publié une étude économique prévoyant une forte croissance de la demande d’aide alimentaire dans les années à venir. En 2024, le réseau répond déjà à 2,9 millions de demandes chaque mois, dont 19,6 % proviennent de travailleurs et de travailleuses. Ce nombre devrait grimper à 3,2 millions par mois d’ici 2027, soit une hausse de plus de 320 000 demandes mensuelles en trois ans. Une telle augmentation laisse craindre une réduction de la fréquence des dépannages et un rationnement accru de la nourriture offerte aux ménages.

Pour en savoir plus

Note méthodologique

Les données présentées proviennent de l’Enquête canadienne sur le revenu, une enquête transversale ayant pour but de brosser un portrait du revenu et des sources de revenu des Canadiens, selon leurs caractéristiques personnelles et celles de leur ménage. La collecte de données de l’ECR de 2023 s’est tenue de janvier à juin 2024. Le module de questions liées à l’insécurité alimentaire documente les préoccupations des personnes, dans les 12 derniers mois précédant l’enquête (autrement dit, les réponses peuvent couvrir la période de janvier 2023 à juin 2024), concernant leur crainte de manquer de nourriture, la difficulté de s’offrir une alimentation équilibrée, l’expérience de la faim, etc., en raison de ressources financières limitées.

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