Comment se comparent les prestations d’assistance sociale du Québec à l’international? 

Publié le 3 octobre 2024

Le projet de loi 71, qui prévoit une modernisation des programmes d’assistance sociale au Québec, a été déposé à l’Assemblée nationale le 11 septembre dernier.  

Ce projet de réforme vise notamment à créer un nouveau Programme d’aide financière de dernier recours regroupant les prestataires des programmes actuels d’aide sociale et de solidarité sociale et à remplacer les notions de « contraintes à l’emploi » par des notions de « contraintes de santé ». Il prévoit également que l’aide financière accordée sera versée individuellement à chaque membre adulte de la famille, plutôt qu’au ménage. Le projet de réforme ne prévoit pas de rehaussement significatif des prestations.

Selon une analyse publiée en 2023 par l’Observatoire québécois des inégalités, les programmes d’assistance sociale au Québec ne permettent pas à leurs prestataires de couvrir leurs besoins de base, tels que se loger, se nourrir et se vêtir. 

Mais qu’en est-il à l’extérieur du Québec? La présente analyse vise à comparer les prestations des programmes d’assistance sociale au Québec à celles des pays membres de l’OCDE. 

 

Les programmes d’assistance sociale au Québec

Le Programme d’aide sociale offre une aide financière de dernier recours aux personnes ou aux familles ne présentant pas de contraintes sévères à l’emploi. Les sommes allouées varient selon plusieurs critères dont la composition de la famille, le type d’hébergement, les revenus et la présence d’une contrainte temporaire à l’emploi, telle qu’une fracture du pied ou une grossesse de 20 semaines et plus. 

En décembre 2023, la prestation mensuelle moyenne du programme d’aide sociale était de 849,47 $, soit environ 10 200 $ rapportée sur une base annuelle. Le programme bénéficiait à 210 521 prestataires, dont 159 940 adultes.

Le Programme de solidarité sociale, quant à lui, est destiné aux personnes présentant des contraintes sévères à l’emploi, tels que des troubles mentaux, une déficience intellectuelle ou une maladie chronique. En décembre 2023, la prestation mensuelle moyenne du programme de solidarité sociale était de 1 084,42 $, soit environ 13 000 $ rapportée sur une base annuelle. Le programme bénéficiait à 27 492 prestataires, dont 25 470 adultes.

À ces programmes s’ajoutent le Programme de revenu de base, destiné aux personnes présentant des contraintes à l’emploi sévères et persistantes, et le Programme objectif emploi, destiné aux nouveaux prestataires de l’aide sociale. 

Au total, il y avait 332 813 prestataires des programmes d’assistance sociale au Québec en décembre 2023, dont 275 084 adultes.

 

Tableau 1. Programmes d’assistance sociale au Québec, Décembre 2023

Sources : Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Rapport statistique sur la clientèle des programmes d’assistance sociale, Décembre 2023. 

 

Les prestations des programmes d’assistance sociale ne constituent pas l’unique revenu de leurs prestataires. En effet, d’autres transferts gouvernementaux contribuent au revenu disponible de ceux-ci. C’est notamment le cas du Crédit d’impôt remboursable pour la solidarité, du Crédit d’impôt pour la TPS/TVH et, dans certains cas, de l’Allocation-logement. À ces montants s’ajoutent également l’Allocation canadienne pour enfants et l’Allocation famille pour les ménages avec enfant. En 2023, ces transferts peuvent atteindre, sur une base annuelle, 1 640 $ pour une personne sans revenu d’emploi et vivant seule et 24 772 $ pour une famille composée de deux adultes et de deux enfants sans revenu d’emploi. 

Au total, sur une base annuelle, le revenu disponible d’une personne seule prestataire du programme d’aide sociale, sans contraintes temporaires à l’emploi et sans revenu d’emploi, était de 11 480 $ en 2023. Pour un ménage composé de 2 adultes et 2 enfants, sans contraintes temporaires à l’emploi et sans revenu d’emploi, ce revenu pouvait atteindre 36 736 $ (voir figure 1). 

 

Figure 1. Revenu disponible d’un ménage prestataire de l’aide sociale selon le type de ménage, Québec, 2023

Source : Outils de calcul – Revenu disponible 2023 et 2024, Ministère des Finances du Québec, mise à jour du 8 février 2024.

Notes : Les adultes du ménage sont sans revenu d’emploi. Les enfants sont âgés de 4 et 6 ans. Le revenu disponible exclut l’allocation-logement. 

 

Les programmes d’assistance sociale dans les pays de l’OCDE

Les programmes d’assistance sociale ont des significations différentes selon les pays et les groupes de population. Afin de permettre la comparaison des programmes québécois à ceux d’autres pays, cette analyse reprend la définition mobilisée par l’OCDE dans le cadre d’une étude publiée en 2010. 

Dans le cadre de cette étude, ces programmes étaient définis comme des programmes de transferts gouvernementaux de dernier recours ayant comme principale condition d’attribution un critère de faible revenu. Contrairement aux régimes publics de pensions ou aux programmes d’assurance-emploi, ces programmes ne sont pas destinés à des groupes de population spécifiques et ne sont pas conditionnels à un historique d’emploi, mais sont plutôt destinés à toute personne étant apte et en âge de travailler. 

C’est le Programme québécois d’aide sociale qui sera comparé aux programmes d’assistance sociale des pays de l’OCDE puisque ce dernier est destiné aux personnes ne présentant pas de contraintes à l’emploi, ce qui correspond à la définition retenue dans l’étude de l’OCDE. Afin de tenir compte des interactions avec le système fiscal et d’être fidèle à la méthodologie utilisée par l’OCDE, c’est le revenu disponible des ménages sans emploi prestataires d’un programme d’assistance sociale qui sera comparé. Ce revenu sera exprimé en proportion de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages dans les pays de l’OCDE.

Des précisions sur la méthodologie employée sont disponibles en annexe. 

 

Le Québec offre un soutien financier moins généreux que la moyenne de l’OCDE pour les prestataires sans enfants

En moyenne, le revenu disponible des personnes seules sans emploi prestataires d’un programme d’assistance sociale correspond à 22 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages dans les pays de l’OCDE (voir figure 2). Mais il y a de fortes variations entres les pays : il correspond à 7 % de cette médiane aux États-Unis; alors qu’il en couvre 42 % en Belgique. 

Au Québec, le revenu disponible des personnes seules sans emploi prestataires du programme d’aide sociale se trouve sous la moyenne de l’OCDE, à 20 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages. Le Québec occupe le 19e rang sur 34 lorsqu’on le positionne dans le classement des pays membres de l’OCDE du plus généreux (Belgique) au moins généreux (États-Unis).

Bien que le Québec se compare avantageusement avec le Canada, qui occupe le 25e rang avec un revenu disponible des personnes seules sans emploi et prestataires du programme d’aide sociale qui correspond à 17 % de la médiane, il se positionne derrière plusieurs États comparables comme la France (10e rang; 27 % de la médiane), l’Espagne (6e rang; 33 % de la médiane) et les Pays-Bas (2e rang; 41 % de la médiane).  Au Canada, le programme d’aide de dernier recours utilisé à titre de référence dans le calculateur de l’OCDE est le programme Ontario au travail (Ontario Works), où la prestation de base pour une personne seule était de 733 $ par mois en 2023 (contre 770 $ au Québec). 

L’aide financière de dernier recours est légèrement plus élevée pour les couples sans enfants qui sont sans emploi et prestataires d’un programme d’assistance sociale. En moyenne, le revenu disponible de ces ménages correspond à 24 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages au sein des pays de l’OCDE. Cette fois, le Danemark est le pays le plus généreux (1er rang, 52 % de la médiane) et la Hongrie le moins généreux (34e rang, 6 % de la médiane).

Au Québec, le revenu disponible des couples sans enfants qui sont sans emploi et prestataires du programme d’aide sociale se trouve encore une fois sous la moyenne de l’OCDE, à 22 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages. Le Québec occupe le 21e rang sur 34 lorsqu’on le positionne dans le classement des pays membres de l’OCDE, devant le Canada (25e rang; 19 % de la médiane).

Figure 2. Revenu disponible des ménages sans emploi prestataires d’un programme d’assistance sociale en pourcentage (%) de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages, 2023

Source : Statistiques de l’OCDE sur les dépenses sociales, OECD TaxBEN 2.6.3, OECD Income Distribution Database, Outils de calcul – Revenu disponible 2023 et 2024 du Ministère des Finances du Québec, Enquête canadienne sur le revenu de Statistique Canada. 

Note : Le revenu disponible exclut les suppléments pour le logement.  

 

Le Québec offre un soutien financier plus généreux que la moyenne de l’OCDE pour les prestataires avec enfants

En général, les pays de l’OCDE offrent un soutien financier plus généreux pour les ménages comptant des enfants. Par exemple, le revenu disponible des familles monoparentales avec 2 enfants qui sont sans emploi et prestataires d’un programme d’assistance sociale correspond à 29 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages dans les pays de l’OCDE (voir figure 3). Mais, encore une fois, il y a de fortes variations entres les pays : il correspond à 11 % de cette médiane en Hongrie; alors qu’il en couvre 47 % au Japon. 

Au Québec, le revenu disponible des familles monoparentales avec 2 enfants qui sont sans emploi et prestataires du programme d’aide sociale se trouve au-dessus moyenne de l’OCDE, à 35 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages. Le Québec occupe le 14e rang sur 34 lorsqu’on le positionne dans le classement des pays membres de l’OCDE du plus généreux (Japon) au moins généreux (Hongrie).

Ce phénomène s’explique principalement par l’importance des allocations liées aux enfants, soit l’Allocation canadienne pour enfants (Canada) et l’Allocation famille (Québec). À elles seules, ces allocations représentent plus de la moitié (59 %) du revenu disponible des familles monoparentales avec 2 enfants qui sont sans emploi et prestataires du programme d’aide sociale, tel que vu à la figure 1. Il est à noter que l’Allocation famille prévoit un supplément pour les familles monoparentales. 

Encore une fois, le Québec se compare avantageusement avec le Canada, qui occupe le 17e rang avec un revenu disponible des personnes seules sans emploi et prestataires du programme d’aide sociale qui correspond à 31 % de la médiane. Il se positionne tout de même nettement derrière des États comparables comme les Pays-Bas (8e rang; 39 % de la médiane), l’Espagne (7e rang; 40 % de la médiane), et la Belgique (2e rang; 45 % de la médiane).  

L’aide financière de dernier recours est légèrement plus élevée pour les couples avec 2 enfants qui sont sans emploi et prestataires d’un programme d’assistance sociale. En moyenne, le revenu disponible de ces ménages correspond à 29 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages au sein des pays de l’OCDE. 

Au Québec, le revenu disponible des couples avec enfants qui sont sans emploi et prestataires du programme d’aide sociale se trouve au-dessus de la moyenne de l’OCDE, à 32 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages. Le Québec se classe ainsi au 16e rang sur 34 lorsqu’on le positionne dans le classement des pays membres de l’OCDE, devant le Canada (22e rang; 29 % de la médiane). Encore une fois, ce sont les allocations liées aux enfants qui permettent au Québec de se démarquer. 

 

Figure 3. Revenu disponible des ménages sans emploi prestataires d’un programme d’assistance sociale en pourcentage (%) de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages, 2023

Source : Statistiques de l’OCDE sur les dépenses sociales, OECD TaxBEN 2.6.3, OECD Income Distribution Database, Outils de calcul – Revenu disponible 2023 et 2024 du Ministère des Finances du Québec, Enquête canadienne sur le revenu de Statistique Canada. 

Note : Les enfants sont âgés de 4 et 6 ans. Le revenu disponible exclut les suppléments pour le logement.  

 

Conclusion

Comment se comparent les prestations des programmes d’assistance sociale au Québec à celles des pays membres de l’OCDE? Notre analyse permet de formuler les constats suivants :

  1. Le Québec offre un soutien financier moins généreux que la moyenne de l’OCDE pour les prestataires sans enfants.  Par exemple, le revenu disponible des personnes seules sans emploi prestataires du programme d’aide sociale correspond à 20 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages, contre 22 % pour la moyenne des pays de l’OCDE.
  2. Le Québec offre un soutien financier plus généreux que la moyenne de l’OCDE pour les prestataires avec enfants.  Par exemple, le revenu disponible des familles monoparentales avec 2 enfants qui sont sans emploi et prestataires du programme d’aide sociale correspond à 35 % de la médiane du revenu disponible ajusté des ménages, contre 29 % pour la moyenne des pays de l’OCDE. Cette situation s’explique principalement par la générosité des allocations liées au enfants. 
  3. Dans les deux cas, bien que le Québec se compare avantageusement avec le Canada, il se positionne loin derrière plusieurs États comparables comme la France, les Pays-Bas, l’Espagne et la Belgique. 

 

Bien sûr, le système de protection sociale au Québec est beaucoup plus large que les programmes d’assistance sociale et les mesures fiscales visant à soutenir les personnes à faible revenu. La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques a d’ailleurs publié récemment un cahier de recherche qui recense l’ensemble des mesures de protection sociale au Québec. 

La présente analyse, qui se concentre sur l’aide financière de dernier recours, permet toutefois de constater qu’il y a place à l’amélioration. C’est particulièrement vrai pour les ménages sans enfants. Un revenu qui correspond à peine au cinquième (20%) du revenu disponible ajusté des ménages ne permet pas d’atteindre les différents seuils des mesures de pauvreté, comme le soulignait notre analyse l’an dernier. 

Nous calculions au printemps dernier qu’il aurait coûté 3 milliards $ au gouvernement du Québec pour porter l’ensemble des prestations des programmes d’assistance sociale au niveau de la mesure du panier de consommation en 2023 et ainsi assurer un niveau de revenu permettant aux prestataires de ces programmes de subvenir à leurs besoins de base. Compte tenu des retombées positives sur la santé et la participation sociale, une telle mesure pourrait s’avérer avantageuse pour le Québec.

 

Annexe – Précisions méthodologiques

Afin de comparer le soutien financier offert aux personnes prestataires des programmes d’assistance sociale au Québec et au sein des pays de l’OCDE, la présente analyse mobilise l’indicateur « Suffisance des prestations du Revenu Minimum Garanti », tiré des Statistiques de l’OCDE sur les dépenses sociales. Les revenus disponibles des ménages prestataires des programmes d’assistance sociale pour chaque pays sont calculés au moyen du Calculateur de l’OCDE pour les impôts et les prestations (OECD TaxBEN 2.6.3). Ces revenus sont ensuite comparés au revenu disponible médian des ménages de chaque pays tiré de la base de données sur la distribution des revenus de l’OCDE (OECD Income Distribution Database). Le revenu disponible médian des ménages est ajusté en fonction de la taille du ménage en utilisant la racine carrée du nombre de personnes dans le ménage. 

Pour le Québec, le calculateur de revenu disponible du ministère des Finances est utilisé pour estimer le revenu disponible des personnes prestataires du programme d’aide sociale. C’est le Programme québécois d’aide sociale qui sera comparé aux programmes d’assistance sociale des pays de l’OCDE puisque ce dernier est destiné aux personnes ne présentant pas de contraintes à l’emploi, ce qui correspond à la définition retenue dans l’étude de l’OCDE. Le revenu disponible des prestataires sans emploi est exprimé en pourcentage du revenu disponible médian des ménages québécois, tiré de l’Enquête canadienne sur le revenu. Le revenu disponible médian des ménages est ajusté en fonction de la taille du ménage en utilisant la racine carrée du nombre de personnes dans le ménage.

Ces indicateurs sont comparés pour quatre profils de ménages types : une personne seule, une famille monoparentale avec 2 enfants (4 et 6 ans), un couple sans enfant et un couple avec 2 enfants (4 et 6 ans). Afin de faciliter la comparaison, le revenu disponible exclut les suppléments pour le logement. 

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