Un locataire sur trois en situation d’insécurité alimentaire au Québec

Publié le 1 Décembre 2025

L’insécurité alimentaire est en hausse au Québec pour une 4e année consécutive. Elle touche particulièrement les locataires, chez qui elle atteint désormais 1 personne sur 3, selon les données les plus récentes.

Cette situation s’inscrit dans un contexte d’augmentation marquée du coût de la vie. Entre 2020 et 2024, les composantes « logement » et « alimentation » de l’indice des prix à la consommation (IPC) ont toutes deux connu une augmentation de 24 % au Québec.

Pour mieux comprendre ce phénomène, l’Observatoire québécois des inégalités a croisé certaines variables d’intérêt tirées de la plus récente édition de l’Enquête canadienne sur le revenu (2023) de Statistique Canada. Cette analyse présente les résultats inédits de cette analyse.

L’insécurité alimentaire en hausse au Québec

Depuis 2019, le niveau d’insécurité alimentaire est en hausse au Québec. Il est passé de 10,9 % en 2019 à 19,8 % en 2023. Il s’agit d’une augmentation de 81,7 % en 4 ans. En 2023, c’était plus de 1,7 million de personnes qui étaient en situation d’insécurité alimentaire au Québec.

Encore plus préoccupant : ce sont les niveaux d’insécurité alimentaire modérée et sévère qui ont connu l’augmentation la plus marquée. En 2023, 319 000 personnes ont souffert d’insécurité alimentaire sévère au Québec, caractérisée par une réduction marquée de l’apport alimentaire (voir encadré).

L’insécurité alimentaire atteint 1 personne sur 3 chez les locataires

L’insécurité alimentaire est fortement associée au mode d’occupation du logement. En 2023, près de 1 personne sur 3 (31 %) qui était locataire de son logement se trouvait en situation d’insécurité alimentaire, contre 14,5 % chez les propriétaires.

Ce constat préoccupant appuie les résultats d’une étude publiée récemment par l’Observatoire qui explore le lien entre la crise du logement et l’insécurité alimentaire et qui révèle que les locataires ont 131 % plus de chances d’être en situation d’insécurité alimentaire que les personnes qui sont propriétaires de leur logement.

Le logement étant généralement une dépense incompressible, l’alimentation en subit souvent les contrecoups. L’insécurité alimentaire sévère chez les personnes locataires a d’ailleurs connu une augmentation de 63 % en 3 ans, passant de 4,6 % en 2020 à 7,5 % en 2023.

L’insécurité alimentaire continue à progresser au sein de la classe moyenne

L’analyse des données par quintile de revenu (voir encadré) révèle la sévérité du phénomène de l’insécurité alimentaire chez les personnes à faible revenu. S’il n’est pas surprenant de constater que le niveau d’insécurité alimentaire varie en fonction du revenu, la figure 4 permet d’en saisir l’ampleur.

Comme nous l’avions relevé l’an dernier, c’est au sein de la classe moyenne que la progression de l’insécurité alimentaire est la plus saisissante[1]. Alors qu’il n’existe pas de consensus concernant la définition de la classe moyenne, on la situe souvent au centre de la distribution de revenu dans la littérature économique.

Et c’est précisément chez les personnes faisant partie du troisième quintile de revenu, soit les personnes se trouvant au centre de la distribution de revenu et qu’on pourrait associer à « la classe moyenne », que l’augmentation de l’insécurité alimentaire a été la plus marquée entre 2019 et 2023. Comme on le voit à la figure 4, le niveau d’insécurité alimentaire est passé de 8,0 % à 18,5 %, soit une augmentation de 131 % (ou 10,5 points de pourcentage). En 2023, c’était 322 000 personnes de la « classe moyenne » qui se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire.

L’insécurité alimentaire atteint un sommet chez les personnes à faible revenu

Cette hausse au sein de la classe moyenne ne doit cependant pas faire oublier que  l’insécurité alimentaire touche de façon disproportionnée les personnes les plus démunies.

Chez les personnes dont le revenu se situe parmi le premier quintile de revenu après impôt ajusté, c’est-à-dire parmi les personnes faisant partie des 20 % plus faibles revenus, le niveau d’insécurité alimentaire est passé de 22,9 % en 2019 à 35,3 % en 2023, soit une augmentation de 55 % (ou 12,4 points de pourcentage). Au sein de ce groupe, 615 500 personnes souffraient d’insécurité alimentaire en 2023, dont 142 000 étaient en situation d’insécurité alimentaire sévère.

Une tendance moins marquée chez les prestataires de l’assistance sociale

Le niveau d’insécurité alimentaire est très élevé chez les personnes vivant dans un ménage prestataire de l’assistance sociale (41,6 % en 2023). Chez ces dernières, le niveau d’insécurité alimentaire sévère est particulièrement préoccupant, touchant 13,7 % des personnes en 2023. Ces données appuient une analyse publiée par l’Observatoire qui révélait que les programmes d’assistance sociale ne permettaient pas à leurs prestataires de couvrir leurs besoins de base.

Il est toutefois à noter que l’augmentation du taux d’insécurité alimentaire a été moins marquée chez les personnes vivant dans un ménage prestataire de l’assistance sociale au Québec qu’au sein de la population générale. En effet, après avoir atteint 44,7 % en 2021, l’insécurité alimentaire chez ce groupe a reculé à 32,7 % en 2022, avant de remonter à 41,6 % en 2023. Au total, l’insécurité alimentaire chez les personnes vivant dans un ménage prestataire de l’assistance sociale a augmenté de 42 % entre 2019 et 2023, soit une hausse moindre que celle observée dans l’ensemble de la population (81,7 %).

Ce phénomène pourrait s’expliquer par l’entrée en vigueur du programme de revenu de base, un programme qui se distingue par des prestations plus élevées que celles prévues aux autres programmes d’assistance sociale et par le versement d’une aide financière individuelle, plutôt que par ménage. Ce nouveau programme est entré en vigueur au Québec le 1er janvier 2023, juste avant le début de la période de collecte des données de l’Enquête canadienne sur le revenu 2022 (du 22 janvier au 4 juillet 2023).

Ces observations rejoignent celles d’une étude menée par la Chaire de recherche sur la réduction des inégalités sociales de santé concernant les retombées perçues de l’introduction du programme de revenu de base au Québec. Bien que la petite taille de l’échantillon exige de la prudence dans l’interprétation des résultats, l’étude rapporte que plusieurs personnes ont indiqué avoir réduit ou cessé leur recours aux banques alimentaires et avoir amélioré la qualité de leur alimentation depuis qu’elles reçoivent les prestations du programme de revenu de base.

Il convient de préciser que ce programme n’est pas accessible à l’ensemble des prestataires de l’assistance sociale. Son accès est limité aux personnes ayant connu des contraintes sévères à l’emploi pendant au moins 66 mois sur 72. Ce groupe représentait seulement 30,5 % des adultes prestataires des programmes d’assistance sociale en décembre 2023.

Hausse marquée de l’insécurité alimentaire chez les personnes en emploi

Avec la forte augmentation des inégalités de revenu observée au Québec depuis 2020, l’insécurité alimentaire touche de plus en plus les personnes en emploi. Depuis 2019, le niveau d’insécurité alimentaire chez les personnes ayant un revenu d’emploi est en hausse au Québec. Il a presque doublé en 4 ans, passant de 9,7 % en 2019 à 18,6 % en 2023. En 2023, c’était près de 800 000 personnes ayant les salaires comme principale source de revenu qui étaient en situation d’insécurité alimentaire au Québec. Parmi celles-ci, environ 140 000 étaient en situation d’insécurité alimentaire sévère.

 

Ce sont d’ailleurs les personnes dont la principale source de revenu sont les salaires ou les revenus de travail autonome qui ont subi la hausse la plus marquée de l’insécurité alimentaire entre 2019 et 2023. Ce phénomène rejoint les constats des banques alimentaires, qui observent une fréquentation accrue de la part de personnes en emploi.

 

 

Un taux d’insécurité alimentaire plus marqué au sein de certaines régions

Le taux d’insécurité alimentaire atteint des sommets dans les régions de Laval et de Lanaudière, où plus de 1 personne sur 4 (26 %) se trouve en situation d’insécurité alimentaire. Au contraire, l’Insécurité alimentaire est moins prévalente au sein des régions de Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et du Saguenay–Lac-Saint-Jean, où elle touche environ 1 personne sur 10.

En plus des régions de Laval et de Lanaudière, trois autres régions affichent un taux d’insécurité alimentaire plus élevé que la moyenne québécoise (19,8 %), soit les régions de Montréal (22,3 %), de Chaudière-Appalaches (21,5 %) et de la Montérégie (21,3 %). L’insécurité alimentaire grave atteint 5,4 % de la population à Laval, soit plus de 25 000 personnes.

 

Agir sur le revenu et le logement pour contrer l’insécurité alimentaire

L’insécurité alimentaire se manifeste généralement lorsque les ressources financières à la disposition d’une personne ne permettent pas une alimentation adéquate. C’est pourquoi les experts insistent sur la nécessité d’agir sur le revenu pour contrer cette problématique.

Le Québec dispose d’ailleurs de plusieurs leviers pour s’assurer que l’ensemble de sa population ait un revenu lui permettant de couvrir ses besoins de base, par exemple la fixation du salaire minimum, les allocations pour familles et enfants, le crédit d’impôt pour solidarité, les régimes de pension publics et les programmes d’assistance sociale.

D’après les calculs de Statistique Canada, un investissement de 4,7 milliards de dollars aurait suffi, en 2023, pour que toutes les personnes vivant au Québec disposent d’un revenu atteignant les seuils de la mesure du panier de consommation, leur permettant ainsi de couvrir leurs besoins de base. À titre de comparaison, cette somme représentait 3,1 % du budget du Québec en 2023.

Comme la hausse marquée de l’insécurité alimentaire est étroitement liée à la crise du logement au Québec, les mesures visant à agir sur le prix et la disponibilité des logements pourraient aussi contribuer à réduire l’insécurité alimentaire. L’accroissement de l’offre de logements financièrement accessibles, notamment de logements sociaux, apparaît comme une avenue particulièrement prometteuse.

Pour aller plus loin

Participez à notre webinaire sur l’insécurité alimentaire qui aura lieu le 4 décembre 2025 et qui explorera notamment la situation au sein des communautés autochtones.

Écoutez la série de balado sur l’insécurité alimentaire de l’émission « On s’appelle et on déjeune » à laquelle l’Observatoire a participé.

Consultez le rapport Crise du logement au Québec : quels effets sur l’insécurité alimentaire? de l’Observatoire québécois des inégalités.

Consultez le Bilan faim 2025 des Banques alimentaires du Québec.

[1] L’analyse par quintiles de revenu présentée l’an dernier s’appuyait sur une méthodologie différente. Dans la présente étude, les quintiles de revenu total des ménages ont été remplacés par des quintiles de revenu après impôts ajusté.

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